Le grand événement abolitionniste s’invite à l’ONU

Normes internationales

Publié par Aurélie Plaçais, le 17 octobre 2011

La 9e Journée mondiale contre la peine de mort  a été célébrée au Palais des Nations de l’ONU à Genève lors d’un débat sur la jurisprudence internationale en matière de peine de mort et de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants réunissant dix experts des Nations unies et d’organisations régionales des droits de l’Homme.
La Journée mondiale a aussi vu le transfert de la Commission internationale contre la peine de mort  de Madrid à Genève avec une ouverture officielle, une soirée film-débat, des réunions de travail et de réflexion d’experts sur la peine de mort.

La peine de mort comme traitement cruel, inhumain et dégradant

Federico Mayor Zaragoza, président de la Commission internationale contre la peine de mort et ancien directeur général de l’UNESCO, a introduit la séance en déclarant que la peine de mort était « la pire violation des droits de l’homme qui puisse être » car elle viole à la fois le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à des peines et traitements cruels inhumains et dégradants.
Sylvie Kayitesi Zaïnabo, présidente du Groupe de travail sur la peine de mort de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, a parlé du rôle des juges dans l’évolution de la jurisprudence africaine : « A travers des décisions judiciaires nous avons  constaté une tendance abolitionniste amorcée par l’Afrique du Sud en 1995 et dont le pas a été lentement emboité par le Malawi et le Kenya. »

Les méthodes d’exécution et la règle de « la moindre souffrance possible »

Zaved Mahmoud du Haut Commissariat aux droits de l’homme a rappelé les différentes recommandations du Comité des droits de l’homme de l’ONU réduisant le champ des méthodes d’exécutions possibles et de la conclusion du Rapporteur Spécial contre la torture en 2009 : « Si l’amputation des membres est considérée comme une peine cruelle, inhumaine ou dégradante, comment pourrait-il en être autrement de la décapitation? Si même des formes de châtiment corporel comparativement indulgentes, comme l’imposition de dix coups de canne sur les fesses, sont absolument interdites en droit international des droits de l’Homme, comment la pendaison, la chaise électrique, les pelotons d’exécution et d’autres formes de peine capitale peuvent encore être justifiés par les mêmes dispositions ? » 
Anna Austin, Chef de division à la Cour européenne des droits de l’homme, est revenue sur l’historique des décisions de la Cour européenne qui en 2010 a abouti à la conclusion que la peine de mort était en elle-même inhumaine quelle que soit la méthode d’exécution.
La Cour a été jusqu’à juger que la crainte même qu’une peine de mort puisse être exécutée constituait un traitement inhumain.

Les conditions de détention et le phénomène des couloirs de la mort

Elizabeth Abi Mershed, secrétaire exécutive adjointe de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme a abordé l’évolution du système américain depuis les années 90.
Elle a insisté sur l’importance des interactions entre les instances internationales, régionales et nationales. La Cour interaméricaine s’est par exemple appuyée sur des jurisprudences africaines, sur des décisions du Privy Council britannique et de la Cour européenne.
La peine de mort n’est pas interdite selon la Convention américaine des droits de l’homme, mais la jurisprudence depuis quinze ans restreint considérablement son application à travers la violation d’autres droits comme l’extradition, les droits consulaires, ou les droits de l’enfant pour aller vers une abolition graduelle. La Convention interdit par contre toute réintroduction de cette peine par un état déjà abolitionniste.
Luis Gallegos et Alessio Bruni, membres du Comité contre la torture sont revenus sur la définition de la torture au titre de l’Article 1 de la Convention contre la torture qui exclut la peine de mort, mais ont expliqué que selon le Comité, la peine de mort constituait un traitement cruel, inhumain et dégradant au titre de l’article 16 de la Convention.
Christof Heyns, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires a conclu les débats en déclarant que le concept de traitement cruel, inhumain, et dégradant était sujet à interprétation et dépendant du contexte. L’évolution depuis une quinzaine d’année de la jurisprudence internationale a crée une dynamique nouvelle qui a fait changer les perceptions sur la question de la peine de mort en droit international.
Le champ juridique pour une application qui ne violerait pas les droits de l’homme se réduit comme peau de chagrin et il ne restera bientôt plus aucune justification légale pour tolérer cette peine inhumaine.

L’évènement était organisé par la Coalition mondiale contre la peine de mort avec le soutien des Missions permanentes de la Belgique et du Chili auprès des Nations unies à Genève.

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