Comment la société civile aide l’ONU à mesurer les progrès vers l’abolition

Normes internationales

Publié par Thomas Hubert, le 22 septembre 2014

Dans ses observations finales sur les États-Unis du 29 août 2014, le Comité des Nations unies sur l’élimination de la discrimination raciale a appelé Washington à « prendre des mesures concrètes et efficaces pour éliminer les disparités raciales à toutes les étapes du système de justice pénale », notamment en « imposant au niveau fédéral un moratoire sur la peine de mort en vue d’abolir la peine de mort ».
Ce lien clair entre racisme et peine capitale est la dernière illustration en date de la tendance observée parmi les organismes internationaux chargés du suivi des droits de l’Homme, dont les déclarations publiques soulignent de plus en plus le caractère inacceptable des conditions liées à l’utilisation de la peine de mort.
Bien que les observations, déclarations et rapports de ces experts indépendants et de ces organisations internationales ne provoquent pas de changement décisif pris individuellement, leur influence grandit. La société civile joue un rôle important dans cette évolution.
Parmi les documents soumis au Comité sur l’élimination de la discrimination raciale avant qu’il rende ses conclusions sur les États-Unis, un rapport préparé par les organisations membres de la Coalition mondiale The Advocates for Human Rights, Réseau caribéen pour la vie et Coalition portoricaine contre la peine de mort a détaillé la discrimination raciale dans l’application de la peine de mort dans le pays. « Si la victime est blanche, l’accusé a plus de chance d’être condamné à mort que si elle est noire », soulignait le rapport avant d’ajouter : « Les 25 accusés contre lesquels les procureurs américains ont requis la peine de mort à Porto Rico étaient tous membres de minorités ethniques. »

Des violations enregistrées et transmises aux organes de l’ONU

La Coalition mondiale et ses membres enregistrent les violations des droits de l’Homme liées à la peine de mort et ces informations alimentent un flux continu de contributions aux débats des organes de l’ONU et d’autres organismes de vérification officiels.
Ainsi en septembre, la FIACAT a déposé auprès du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU un rapport alternatif pour l’Examen périodique universel du Libéria avec la Coalition mondiale et l’ACAT Liberia.
« Lors de chaque examen, nous poussons pour qu’il y ait des recommandations fermes sur l’encadrement de la peine de mort et éventuellement un encouragement à ratifier le Protocole » de l’ONU sur l’abolition, explique Patrick Mutzenberg, directeur du Centre pour les droits civils et politiques (CCPR Centre), une organisation membre de la Coalition mondiale basée à Genève qui travaille avec le Comité des droits de l’Homme de l’ONU sur l’application du Pacte international sur les droits civils et politiques.
Il ne suffit cependant pas d’aider des organes universellement reconnus à dénoncer les violations issues de l’utilisation de la peine de mort. Les abolitionnistes sont de plus en plus impliqués dans le suivi des recommandations internationales faites aux pays rétentionnistes.
« En 2013, l’Indonésie a reçu une recommandation sur la limitation de la peine de mort aux crimes les plus graves. Placée parmi les plus urgentes, elle doit faire l’objet d’un suivi, » décalre Mutzenberg. Tandis que le gouvernement indonésien prépare son rapport sur les progrès accomplis depuis, le CCPR Centre et ses partenaires locaux conduisent leurs propres investigations et interrogeront les autorités en janvier avant de rendre leurs propres conclusions aux Nations unies.
« Nous travaillons toujours avec des ONG locales, en restant en arrière et en les aidant à monter des coalitions », explique Mutzenberg. Son organisation prépare des missions similaires au Malawi et en Sierra Leone (un travail retardé par l’épidémie d’Ebola dans ce dernier pays).

Une agence de notation pour les droits de l’Homme ?

Ces deux dernières années, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a mis en place des notes pour évaluer les progrès sur les recommandations urgentes. L’Indonésie sera ainsi le premier pays noté sur ses efforts pour réduire l’utilisation de la peine de mort.
« Nous poussons pour que le Comité soit un peu comme une agence de notation, sur des critères objectifs », déclare Mutzenberg. « L’apport des ONG est indispensable : l’État fait son rapport, mais il faut d’autres points de vue. Cela signifie aussi que nous devons faire tous nos rapports de la façon la plus scientifique possible. »
Les organisations internationales ne peuvent cependant suivre et évaluer que les États qui se sont engagés par un traité à respecter certaines normes et à voir leur application mesurée. Bien que les États membres de l’ONU aient tous signé au moins l’un des principaux textes internationaux sur les droits de l’Homme, il reste beaucoup à faire pour étendre le champ d’application du droit international : un autre domaine d’action pour les abolitionnistes.
Les conventions sur la torture, les droits de l’enfant, etc. permettent toutes de mettre en avant des violations liées à la peine de mort, mais le Protocole de l’ONU sur l’abolition de la peine de mort reste la cible principale de la Coalition mondiale. Sa directrice Maria Donatelli indique que la Coalition a récemment sollicité le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon pour qu’il marque le 25e anniversaire de son adoption.
« À la suite de cette demande, l’importance de la ratification de ce traité a été soulignée par son inclusion dans la liste des textes soumis par le secrétaire général aux États membres pour la Cérémonie des traités 2014, qui aura lieu à New York à partir du 23 septembre », déclare Donatelli en référence à la conférence annuelle de l’ONU qui met en avant l’adoption d’accords internationaux.

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