Le réseau ADPAN renforce les abolitionnistes dans toute l’Asie

Asie

Publié par Aurélie Plaçais (à Taiepei), le 9 décembre 2014

L’assemblée générale a donné lieu à des discussions animées sur le plan d’action et l’agenda des deux années à venir, notamment le Congrès régional contre la peine de mort qui doit avoir lieu en Malaisie en juin 2015.
Les membres d’ADPAN ont fait part des situations variées que présente le mouvement abolitionniste dans leurs pays respectifs. « Je croyais que nous étions tous dans le même cas, mais je réalise maintenant que le Japon est à la traîne derrière des pays comme la Mongolie ou la Corée du Sud », a déclaré Hideki Wakabayashi d’Amnesty International Japon.
Les parlements de ces deux pays font des avancées : un projet de nouveau Code pénal abolissant la peine de mort est en discussion en Mongolie. En Corée du Sud, une nouvelle proposition de loi d’abolition vient d’être déposée.
Dans d’autres pays, la situation politique a un impact important sur les progrès vers l’abolition. La loi martiale a empêché toute avancée en Thaïlande, tandis que les nouveaux dirigeants élus en Indonésie et au Japon ont annoncé des exécutions avant la fin de l’année.
Certains participants ont estimé que le principal problème résidait dans les difficultés que rencontre la société civile pour fonctionner normalement, notamment en Malaisie, à Singapour ou en Chine.

Partager des moyens innovants de faire campagne

Pour surmonter ces difficultés, les militants asiatiques ont partagé leurs expériences de moyens d’action innovants. L’Alliance taïwanaise pour mettre fin à la peine de mort (TAEDP) a lancé le 10 octobre une campagne Facebook pour faire libérer trois condamnés à mort. Elle a créé une page événement et invité ses amis à « tagger » l’un des condamnés, Cheng Hsingte, partout où ils allaient. Cela a permis d’expliquer son cas sur le réseau social.
Les abolitionnistes taïwanais ont également imprimé des silhouettes en carton des trois condamnés et les ont emmenées avec eux tout la journée dans la ville de Taipei. Dans le métro, dans la rue, au marché, les gens ont demandé qui étaient ces personnes et pourquoi ils agissaient ainsi, ce qui leur a donné l’occasion de parler ce ces affaires. Ils ont également réalisé une vidéo pour continuer à diffuser le message.
« Je pense que les nouvelles idées et les approches différentes partagées ici sont intéressantes. Certaines personnes sont venues me voir pour me dire que la réunion les avait inspirées et qu’elles avaient des idées d’actions pour leur propre pays », a déclaré Jiazhen Wu, directeur adjoint de TAEDP.
Pendant son assemblée générale statutaire, ADPAN a élu les sept membres de son comité exécutif pour deux ans : Arthur Wilson (Pakistan), Batdorj Altantuya (Mongolie), Charles Hector (Malaisie), Ngeow Chow Ying (Malaisie), Puri Kencana Putri (Indonésie), Sinapan Samydorai (Singapour) et Jiazhen Wu (Taïwan).

Des arguments pour contrer l’excuse de l’opinion publique

À la suite de l’AG d’ADPAN, TAEDP a organisé une conférence internationale sur le thème « Vie et mort à Taïwan » les 6 et 7 décembre. L’événement a vu la présentation du deuxième rapports d’ADPAN sur les « Procès inéquitables », à paraître prochainement en ligne en anglais et en chinois.
Les débats ont porté aussi bien sur la justice transitionnelle que sur le droit constitutionnel et international ou encore les alternatives à la peine de mort. Les discussions les plus animées ont cependant porté sur la présentation d’un nouveau sondage réalisé à Taïwan.
Le professeur de criminologie Roger Hood a expliqué que les gouvernements, surtout en Asie, se fondent souvent sur leurs enquêtes d’opinion ou sur celles des médias, qui ne sont pas fiables. Il a appelé les ONG et les universitaires à procéder à leurs propres sondages pour proposer une vision différente et contrer l’argument du soutien supposé de la population pour la peine de mort.
Hood a cité en exemple les études universitaires conduites récemment au Japon, en Chine et en Malaisie qui montrent que le soutien de l’opinion à la peine de mort est beaucoup plus nuancé que les autorités voudraient le faire croire au public.
Le professeur de sociologie Chui Hei-yuan a indiqué qu’une étude de ce type avait été menée à Taiwan en 2014 et serait publiée le 6 janvier 2015. Ses résultats montrent que le soutien à la peine de mort s’effondre si on y propose une alternative.
Comme l’explique le chercheur américain sur la peine de mort Richard Dieter, « la question n’est pas "êtes-vous pour la peine de mort ?", mais "êtes-vous pour la suppression de la peine de mort en faveur d’une peine alternatives compte tenu de tous les défauts du système et du risque d’exécuter des innocents ?" ».
Les réponses montrent également un besoin criant d’information. Seuls 25 % des sondés étaient au courant de cas d’erreurs judiciaires à Taïwan et 16 % savaient combien de personnes sont dans le couloir de la mort.

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