La cour ouest-africaine condamne le Nigeria sur l’utilisation de la peine de mort

Normes internationales

Publié par Avocats sans frontières France, le 3 juillet 2014

Près d’un an après la fin du moratoire sur l’exécution des condamnations à mort au Nigeria, par deux jugements novateurs rendus le 10 juin, la Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) appelle au strict respect des règles du procès équitable et des droits de la défense dans le cadre de procédures judiciaires conduisant au prononcé et à l’exécution de la peine capitale.

Prohibition de la condamnation d’un mineur à la peine capitale

Le premier jugement concerne une jeune femme, Mme Maimuna Abdulmumini, condamnée à mort pour le meurtre présumé de son mari alors qu’elle était âgée de seulement treize ans. A la suite de sa condamnation en décembre 2012, Mme Maimuna Abdulmumini était incarcérée avec sa fille, un nourrisson âgé de 18 mois, au sein de la prison de Katsina, un établissement pénitencier où règne des conditions de détention ne garantissant pas l’accès à des soins basiques que ce soit en matière de santé, d’hygiène ou d’alimentation.
L’équipe d’Avocats sans frontières (ASF) France a porté le cas de M. Maimuna Abdulmumini devant la Cour de la CEDEAO au mois d’août 2013.
Dans son jugement, le juge président, M. Hansine Donli, a déclaré que l’application de la peine de mort à l’encontre de Maimuna pour un crime commis en tant que mineur était une violation de l’article 6.5 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP).

Droit d’appel de la condamnation à la peine capitale

Le second jugement concerne M. Thankgod Ebhos qui en juin 2013 a été conduit à la potence de la prison de la ville de Benin pour finalement échapper à l’exécution de sa peine, contrairement à quatre autres de ses codétenus pendus le même jour. Dans le couloir de la mort depuis 17 ans, M. Thankgod Ebhos a été condamné à la peine capitale en 1995 par un tribunal spécial instauré par le régime militaire en place jusqu’en 1999.
L’équipe d’ASF France a porté le cas de M. Thankgod Ebhos devant la Cour de la CEDEAO au mois d’août 2013.
Dans son jugement, la Cour a ordonné au Nigeria de retirer M. Thankgod Ebhos du couloir de la mort afin de le prémunir du risque d’exécution alors qu’un recours devant la Cour d’appel de l’Etat d’Edo est toujours pendant. La Cour a jugé que toute tentative d’exécution avant l’issue de l’appel pendant constituerait une violation de l’article 6.4 du PIRDCP.
Avocats sans frontières France a salué ces décisions dont l’exécution par le Nigeria doit être mise en œuvre sans délai.
Pour Me Cécile Ostier et Me Jean-Sébastien Mariez, Responsables des projets menés par ASF France au Nigeria (PROCAT et SALI) : « Ces deux décisions encourageantes doivent être suivies d’effet devant les juridictions du Nigeria qui doivent s’en emparer. Elles sanctionnent sans ambiguïté la violation des droits fondamentaux dans deux cas de figure représentatifs de la situation de nombreux autres détenus toujours à ce jour dans le couloir de la mort : celui de mineurs condamnés à la peine capitale en contravention des textes internationaux et celui de personnes condamnées à mort à l’issue d’une procédure sans égard pour les droits de la défense et notamment le droit d’appel. »

Force obligatoire

L’Article 15(4) du Traité de la CEDEAO donne aux décisions de la Cour une force obligatoire pour les Etats membres, y compris pour le Nigeria. Le caractère contraignant des décisions de la Cour est aussi prévu par le Protocole de 1991. L’Article 24 du Protocole additionnel de la Cour et l’Article 77 du Traité de la CEDEAO autorisent par ailleurs la Cour à sanctionner le non-respect de ses décisions.
Le projet Saving Lives – mis en œuvre par ASF France en partenariat avec la National Human Rights Commission, l’association du barreau nigérian et Access for Justice – bénéficie à 140 détenus dans tous les Etats-cibles du projet. ASF France s’engage ainsi en faveur de la réduction du nombre de condamnations à mort au Nigeria.
Le projet Saving Lives (SALI) est soutenu par l’Union Européenne, l’Agence française de développement, la fondation Un monde par tous et le fonds Betto Seraglini for International Justice.

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