Les abolitionnistes du Monde arabe réunis pour leur premier Congrès

MENA

Publié par Aurélie Plaçais, le 22 octobre 2012

Le premier Congrès régional sur la peine de mort en Afrique du Nord et au Moyen Orient s’est ouvert par le témoignage d’Antoinette Chahine, Libanaise condamnée à mort après avoir avoué sous la torture un crime qu’elle n’avait pas commis et d’Ahmed Haou, prisonnier politique marocain condamné à mort et libéré en 1997.
Après des interventions de diplomates et des ONG organisatrices, la Coalition marocaine contre la peine de mort, l’OMDH, ECPM et l’Institut des droits de l’Homme de l’Association internationale des barreaux (IBAHRI), des représentants du Maroc, de la Jordanie, de la Tunisie et de l’Algérie se sont exprimés.
Le faible niveau de représentation (aucun ministre) et la timidité des interventions ont été très significatifs de la politique de la région où la question de la peine de mort reste très délicate et non tranchée.
Mais c’est précisément là que tout se joue pour la société civile : la question reste en suspens, tout peut se faire.

Le Printemps arabe « ouvre la voie à des réflexions sur la peine de mort »

Les participants l’ont noté dans la déclaration finale du congrès : « Depuis plusieurs années, et singulièrement depuis le "printemps arabe" de 2011, les pays de la région sont entrés dans un processus de renforcement, parfois accéléré, de la démocratie, d’adhésion à des conventions internationales visant au respect des droits de l’Homme, de réformes de la justice ouvrant la voie à des réflexions sur la peine de mort, sur le chemin de son abolition. »
Avec l’arrivée de partis islamistes au pouvoir au Maroc, en Tunisie et en Egypte, le contexte semble a priori défavorable à l’abolition de la peine de mort, mais rien n’est joué et le statu quo du moratoire de fait sur les exécutions ne semble pas remis en cause au Maghreb.
Le rôle de la société civile est donc très important pour faire mûrir les questions des droits de l’homme et pousser les dirigeants et diplomates à avancer.

Tout reste à faire en Egypte

Ayman Salama, professeur de droit et relations internationales, a présenté la situation en Egypte lors de la première séance plénière du congrès. L’ancien Président Hosni Moubarack ne s’était jamais opposé à la peine de mort ni aux exécutions, son régime avait même instrumentalisé la peine de mort.
Pour autant, le point de vue des militants abolitionnistes reste pessimiste à court terme car le projet de constitution limite les pouvoirs de la Cour Suprême et n’abolit pas la peine de mort. Pour M. Salama, l’empreinte du groupe politique islamiste est forte et a limité les réformes en termes de droit public et de droits de l’homme.
La société civile égyptienne se concentre donc pour l’instant sur trois points : les procès équitables pour rompre avec la période précédente, la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort et l’éducation des nouvelles générations.

Une floraison d’initiatives panarabes

L’une des aspirations communes des ONG présentes était de se regrouper en Coalition maghrébine contre la peine de mort ; c’est chose faite pendant le Congrès régional. Lors de la séance de clôture, des organisations d’Algérie, du Maroc, de la Mauritanie et de la Tunisie ont annoncé la création de cette Coalition.
Un représentant par pays a été nommé pour rédiger sa charte fondatrice avant la fin de l’année et définir sa structure – légère – et son champ d’action régional pour le 5e Congrès mondial contre la peine de mort, prévu à Madrid en juin 2013.
Des parlementaires marocains ont aussi initié un réseau pour travailler dans le sens de l’abolition, et ont déclaré : « Considérant que la peine de mort est une peine inhumaine et que la vie est sacrée dans toutes les religions ; considérant que la peine de mort est une peine irréversible alors que le pardon est une valeur forte dans l’Islam… nous parlementaires hommes et femmes marocains … lançons une initiative parlementaire pour l’abolition de la peine de mort au Maroc. »

Avocats, religion et Nations unies

Pendant les trois jours de réunions, les avocats de la région ont aussi été invités à réfléchir sur leur rôle et sur le rôle des barreaux d’avocats qui sont des acteurs importants pour le respect des garanties juridiques dans la région.
Les échanges ont été passionnés et passionnants lors d’une séance plénière et d’un atelier dédiés aux arguments religieux, incontournables dans la région.
Enfin, la question du moratoire et de la résolution des Nations unies a été débattue. La région est loin d’avoir une position commune : alors que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie sont en situation de moratoire de fait depuis plus de 20 ans, l’Algérie a voté en faveur des trois résolutions précédentes, le Maroc s’est abstenu et la Tunisie était absente.
Des réflexions ont été menées sur les obstacles à un vote positif et sur les moyens d’action de la société civile pour y remédier.

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