Jusqu’où la Chine est-elle prête à freiner la peine de mort ?

Abolition

Publié par Aurélie Plaçais, le 25 novembre 2013

Le rapport gouvernemental et la présentation d’ouverture de la Chine lors de son deuxième examen périodique universel (EPU) des droits de l’Homme le 22 octobre affirment : « Au cours des dernières années, la Chine a encore limité son application en prenant une série d’importantes mesures pour améliorer et parfaire le système de preuves dans les affaires pénales pouvant aboutir à une condamnation à la peine de mort, pour réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort, et pour faire respecter les règles régissant l’application de la peine capitale ainsi que les procédures à suivre dans les cas de condamnation à la peine capitale. »
La Cour populaire suprême et d’autres organes du gouvernement central ont ainsi publié des règlementations conjointes qui ne permettent plus l’utilisation d’aveux obtenus sous la torture. Un amendement à la loi pénale adopté en 2011 abolit la peine de mort pour 13 crimes économiques non violents.
La Chine a également réformé son code de procédure pénale en 2012 pour donner aux avocats accès à leurs clients sans rendez-vous préalable ni autorisation officielle, et pour permettre à la défense de présenter toutes les requêtes qu’elle souhaite à la Cour.

Recommandations des États membres

Pendant l’EPU, les États membres de l’ONU ont fait une douzaine de recommandations pour avancer vers l’abolition de la peine de mort, réduire le nombre de crimes passibles de la peine capitale, mettre en place un système de grâces et publier des statistiques sur les condamnations à mort et les exécutions.
La Chine a indiqué qu’elle examinerait ces recommandations et leur donnerait une réponse lors de la 25e session du Conseil des droits de l’Homme en mars 2014.
Lors du précédent EPU, le gouvernement chinois avait systématiquement rejeté les recommandations sur l’utilisation de la peine de mort ainsi que sur l’indépendance de la justice et des avocats.
Le 12 novembre 2013, l’Assemblée générale de l’ONU a élu la Chine membre du Conseil des droits de l’Homme avec 176 voix sur 193. Pékin avait déjà siégé au Conseil pendant deux mandats consécutifs entre 2006 et 2012. Dans sa candidature, la Chine a promis de « faire avancer la réforme du système judiciaire » et de « redoubler de prudence dans l’application de la peine de mort ».
Le 15 novembre 2013, la troisième session plénière du Comité central du Parti communiste a décidé de « réduire progressivement le nombre de crimes punis de mort ».

Ce à quoi la Chine n’est pas prête à s’engager

La réduction du champ d’application de la peine de mort est l’une mesures clés à appliquer à court terme, mais la liste des crimes pour lesquels la peine capitale sera abolie reste floue. Des crimes non violents comme la contrefaçon ou certaines faits de proxénétisme aggravé pourraient y figurer, car très peu de condamnations à mort sont prononcées dans ces cas. Mais d’autres crimes non violents comme la corruption et le trafic de drogue sont plus controversés. Le gouvernement a fait de la lutte contre la corruption une priorité politique et l’abolition de la peine de mort pour ces infractions serait contraire à cette politique.
Il est également peu probable que les autorités chinoises soutiennent les appels à la transparence. La peine de mort reste un secret d’État pour la Chine, qui ne publie aucune statistique officielle sur le nombre de condamnations et d’exécutions, les crimes pour lesquels des prévenus ont été condamnés et exécutés, ni aucune autre information.
Selon le rapport rendu par la Fondation Dui Hua pour l’EPU, environ 16 500 personnes ont été exécutées en Chine entre 2009 et 2012. Bien que le nombre d’exécutions ait diminué par rapport aux années précédentes, il reste disproportionné comparé au reste du monde. La
Chine a intérêt à garder le secret sur ces chiffres qui nuiraient à son image internationale.

Le défi de la mise en œuvre

Il est également difficile d’évaluer jusqu’à quel point la Chine va appliquer les règlements et les amendements au code de procédure pénale adoptés récemment. Human Rights Watch souligne par exemple que « selon l’article 37 du nouveau code de procédure pénale, les avocats doivent pouvoir accéder à leurs clients sans rendez-vous ni autorisation officielle, et cet accès devrait avoir lieu sous 48 heures. Cependant, une faille dangereuse existe : si une affaire est considérée comme un risque pour la sécurité nationale, ou un cas de terrorisme ou de corruption majeure, l’accès aux avocats peut être refusé. La police peut le faire de manière arbitraire, et il y a peu de recours contre cette décision ».
La Chine pourrait à nouveau rejeter toutes les recommandations de l’EPU en mars pour affirmer son droit souverain à utiliser la peine de mort – cependant, il est clair que certaines recommandations seront appliquées avant son prochain EPU. Les autorités chinoises ont réalisé que le nombre d’exécutions dans leur pays était sans équivalent dans le monde et elle ne sont pas fières de ce résultat. Bien que la Chine refuse officiellement de plier devant les pressions internationales, les organisations abolitionnistes devraient continuer à travailler sur ce sujet pour faire en sorte qu’il reste une priorité des réformes chinoises.

Photo: Liu Jieyi, représentant permanent de la Chine à l’ONU (UN Photo/Amanda Voisard)

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