L’espoir retentit autour du globe pour la Journée mondiale contre la peine de mort

Journée mondiale

Publié par Nicolas Chua, le 25 octobre 2018

Le thème de cette année était aussi mystérieux qu’émouvant pour le grand public : bien que les cas de peine de mort soient souvent évoqués dans les médias, les conditions de vie dans les couloirs de la mort sont rarement évoquées, et pour ceux qui considéraient la peine de mort comme une solution rapide et facile aux crimes les plus odieux, la prise de conscience que les condamnés à mort subissent un traitement cruel et dégradant ainsi que des souffrances psychologiques intenses peut changer leur perception, ne serait-ce qu’un petit peu.

La Coalition allemande contre la peine de mort a récemment publié des œuvres d’art réalisées par des condamnés à mort, et Iran Human Rights a publié un recueil d’histoires des couloirs de la mort, une punition qui "ne s’arrête pas à la potence" – que vous soyez contre la peine de mort ou non , ces histoires, et tous les événements qui ont eu lieu lors de la Journée mondiale, sont des preuves indiscutables des atrocités des couloirs de la mort.

ASIE : L’ABOLITION IMMINENTE DE LA MALAISIE ET "NO TIME TO SLEEP"

L’Asie a été au centre de l’attention avec la declaration soudaine de la Malaisie annonçant un projet de loi visant à abolir la peine de mort, qui a déjà été déposé au Parlement le 15 octobre : cette mesure aura certainement des répercussions sur ses voisins rétentionnistes comme la Thaïlande, l’Indonésie et Singapour. D’autre part, Taïwan ayant récemment repris les exécutions, la Taiwan Alliance to End the Death Penalty a commémoré la Journée mondiale de cette année, en organisant un événement commémoratif, un symposium à l’Université nationale de Taïwan et un forum ouvert avec Saul Lehrfreund du Death Penalty Project et Keir Starmer, secrétaire du Brexit du cabinet fantôme travailliste du Royaume-Uni.

Au Pakistan, ”No Time to Sleep”, une représentation théâtrale de 24 heures diffusée en ligne dans le monde entier, a bénéficié d’une large couverture médiatique et a connu un succès retentissant : parrainée par Justice Project Pakistan, la pièce parle des dernières 24 heures du "Prisonnier Z", montrant le supplice que vit celui qui attend sa mort.

AFRIQUE : JOURNEY OF HOPE ET DES INITIATIVES LOCALES EXTRAORDINAIRES

L’organisation membre Journey of Hope…From Violence to Healing a fait le tour de la capitale ougandaise et ses environs en visitant des écoles, et a participé à des émissions de radio et de télévision locales et donné des conférences au Parlement ougandais et à l’Université Makerere. Journey of Hope a également rencontré d’un autre membre de la Coalition mondiale, Foundation for Human Rights Initiative, lors de leur événement commémoratif à la Human Rights House à Nsambya : en coopération avec l’UE, cette dernière a également enregistré des chansons écrites et interprétées par des prisonniers et les a diffusées à la radio et en ligne pour le plus grand plaisir du monde entier.

Le MRU Youth Parliment au Sierra Leone a visité le centre correctionnel pour femmes afin de documenter leurs conditions de détention, et une session de formation de deux jours pour les avocats a été organisée à Lagos par le Cornell Center et Avocats Sans Frontières. Par ailleurs, un événement commémoratif a eu lieu à l’Université du Libéria, organisé par la délégation de l’UE au Libéria ainsi que par l’ACAT France, qui a réuni des étudiants de la Louis Arthur Grimes School of Law participant à des débats publics.

La société civile nigérienne a été particulièrement active cette année: un colloque auquel se sont joints le mouvement abolitionniste nigérien, composé de la Coalition nigérienne contre la peine de mort (CONICOPEM), le Syndicat national des responsables de la formation et de l’éducation (SYNAFEN), l’ACAT Niger (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture) et l’ONG REPRODEVH-Niger a réuni des enseignants, des chercheurs, des étudiants, des magistrats et des spécialistes des droits de l’homme pour discuter des conditions de vie des condamnés à perpétuité, ainsi que pour soutenir le projet de Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur l’abolition de la peine de mort en Afrique. Par ailleurs, les lycéens de Maradi ont organisé une lecture publique du "Dernier jour d’un condamné" de Victor Hugo et les étudiants de Niamey un débat public et une conférence à l’Université de Niamey (avec Althess, poète slam pour une expression artistique de l’opinion abolitionniste)

MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD: LA SITUATION URGENTE DE L’IRAN

La région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord a également vu beaucoup d’événements cette année : au Liban, par exemple, l’Association Justice & Mercy a organisé un concours Sports & Arts à la prison de Roumieh, soulageant temporairement les prisonniers des souffrances qu’ils subissent dans les couloirs de la mort. La Coalition marocaine contre la peine de mort a tenu une conférence de presse et un sit-in devant le Parlement et, en Palestine, un sit-in a eu lieu à Ramallah. L’Institut d’études des droits de l’homme du Caire a publié un rapport sur les exécutions militaires, et plusieurs autres manifestations ont également eu lieu en Tunisie, en Algérie et à Bahreïn.

Cependant, étant donné la gravité de la situation, la société civile iranienne était sans doute la plus active dans la région : 3 prisonniers politiques détenus dans le quartier des femmes de la prison d’Evin ont envoyé une lettre ouverte au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Iran. En outre, 2320 prisonniers actuellement condamnés à mort en Iran ont signé une déclaration commune appelant à la fin des exécutions en Iran et dénonçant leur instrumentalisation par l’État. Radio France International a également reçu Mahmood Aliry-Moghaddam, cofondateur de l’organisation Iran Human Rights, qui s’est opposé à la peine de mort et à sa prétendue justification par la loi islamique.

La situation iranienne a fait écho dans le monde entier, avec la publication de nombreux rapports.

AMÉRIQUE DU NORD ET CARAÏBES

En Dominique, le barreau dominiquais a organisé un concours d’art oratoire sur le thème "Pourquoi la peine de mort devrait-elle être abolie ?", et l’organisation membre Greater Caribbean for Life a présenté un rapport à une conférence organisée par la délégation de l’UE et le Haut Commissaire de l’Australie à Trinidad et Tobago intitulée "Vers l’abolition : un dialogue sur la peine de mort à Trinidad et Tobago et dans les Caraïbes". GCL a également projeté le film ”The Penalty” en coopération avec  RED Initiative et avec le soutien d’Amnesty International. La St. Vincent & the Grenadines Human Rights Association (SVGHA) a participé à plusieurs émissions de radio à Saint-Vincent-et-les Grenadines.

Pas loin de là, à Porto Rico, le vice-président de la Coalition, Kevin Miguel Rivera Medina, s’est rendu dans plusieurs universités pour donner des conférences et organiser des forums sur la peine de mort et les conditions de vie dans le couloir de la mort, notamment à l’Universidad del Turabo avec Juan Melendez (exonéré portoricain du couloir de la mort en Floride). A Minneapolis, l’organisation membre Advocates for Life a donné une formation aux avocats sur les affaires de peine capitale.

Au Royaume-Uni, le Justice Institute Guyana et le Center for Small States ont organisé une conférence sur le thème "Remettre en cause la peine de mort dans les Caraïbes du Commonwealth" : la présidente de GCL y a participé via vidéo-conférence. Au même moment, des organisations de la région commémoraient activement la Journée mondiale.

EUROPE : "LINDY LOU" ET GARY DRINKARD

De la même manière, le film ”Lindy Lou, Juror #2” (sorti le 10 octobre 2018) a été projeté à Rhode Island et au New Jersey aux Etats-Unis, tandis que Lindy Lou elle-même accompagnée du réalisateur Florent Vassault a organisé plusieurs projections en France, notamment au Louxor à Paris sponsorisé par ECPM et à Malakoff et Montreuil, sponsorisé par ECPM, ACAT et Amnesty International. Un autre abolitionniste américain était en tournée en France, à savoir Gary Drinkard de Witness to Innocence : en partenariat avec l’ECPM, ce condamné à mort exonéré est intervenu dans plusieurs écoles à Paris puis à Bruxelles pour sensibiliser les jeunes français/belges à la peine de mort, notamment sur ce que c’est vraiment d’être condamné à mort.

Toujours à Paris, l’ECPM a co-organisé une conférence sur les conditions de vie dans les couloirs de la mort au barreau de Paris, avec des conférenciers invités du Cameroun, d’Indonésie et d’Amérique qui ont partagé leurs connaissances sur les conditions dans les couloirs de la mort de leurs pays respectifs. Lors de cette conférence, l’un des co-organisateurs, l’association Planète Réfugiés-Droits de l’Homme a lancé une initiative soutenue par la Coalition mondiale portant sur les standards internationaux spécifiques aux conditions de détention et de traitement des condamnés à mort.

Ailleurs en Europe, la Communauté de Sant’Egidio a invité Susan Kigula, dont le cas en Ouganda était d’une importance capitale pour le mouvement abolitionniste, à intervenir à l’Université d’Anvers en Belgique et à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas.

AUSTRALIE : "GUILTY" ET STRATÉGIE POUR L’ABOLITION

Dans le cadre de sa récente "Stratégie pour l’abolition de la peine de mort ", les hauts-commissaires australiens ont pris d’assaut le monde et publié des articles dans des journaux locaux partout dans le monde, notamment au Ghana, au Kenya, à Trinité-et-Tobago et en Thaïlande. Leur travail informe sans aucun doute le public sur la peine de mort et pousse le monde vers notre objectif d’abolition universelle.

La contribution de l’Australie à la Journée mondiale s’est également faite au niveau national : des projections de "Guilty", un film sur les derniers jours de Myuran Sukumaran, co-leader des Bali 9, ont eu lieu en Australie, avec des événements parrainés par des organisations comme Reprieve Australia, Amnesty International et Human Rights Watch pour un effort sans précédent de sensibilisation à l’horreur de la peine capitale.

Le rôle des commissions des droits de l’Homme ne doit pas non plus être sous-estimé : en Corée du Sud, une " cérémonie et conférence " a été organisée conjointement à l’Assemblée nationale de Corée par la Coalition de la société civile coréenne pour l’abolition de la peine de mort, des parlementaires et la Commission nationale des droits de l’Homme de Corée. Toujours en Asie, la Commission philippine des droits de l’homme a également organisé un événement commémoratif, et la Commission pakistanaise a organisé des événements dans tout le pays et ses sections locales ont organisé des manifestations publiques, des forums et des débats publics dans 9 villes différentes du Pakistan.

La communauté politique internationale s’est unie pour lancer un appel mondial en faveur de l’abolition : les gouvernements du monde entier ont commémoré la Journée mondiale par des déclarations publiques soutenant l’abolition de la peine de mort. Les pays occidentaux comme la France, la Belgique, l’Autriche, le Royaume-Uni, l’Italie et le Canada ont tous réaffirmé leur opposition à la peine capitale et ont demander à ce que les autres pays rétentionnistes interdisent ce vestige d’un passé barbare. Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a également publié une déclaration soutenant et encourageant l’abolition universelle.

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