Quel avenir pour Mumia ?

Abolition

le 28 avril 2008

Comme les médias s’en sont largement fait l’écho, la Cour d’appel des Etats-Unis pour le 3e circuit a rendu son verdict, longuement attendu, le 27 mars 2008. Mumia et moi avons tenu une conférence juridique le jour même, et nous avons tenu depuis à de nombreuses réunions.
Nous considérons la décision du panel de trois juges comme une combinaison d’opinions différentes, l’une positive, l’autre très hostile et enfin la troisième : une prise de position remarquable du juge sur la question du racisme qui nous redonne espoir pour une victoire finale. Parce que le magistrat en charge du précédent procès avait donné au jury des instructions contraires à la Constitution et trompeuses, la Cour fédérale a ordonné l’organisation d’un nouveau procès avec constitution d’un jury, au terme duquel nous saurons si Mumia aura la vie sauve ou non.
Dans une affaire où la peine capitale est en jeu, il est toujours positif qu’un tribunal estime qu’une condamnation à mort a été prononcée à tort. Mumia est satisfait de cet aspect du jugement car il pourrait aider d’autres condamnés à mort aux États-Unis.
L’accusation a maintenant plusieurs options : elle peut demander à la Cour fédérale de revoir sa position ou présenter une requête à la Cour suprême pour que soit confirmée la condamnation à mort de Mumia ; quoi qu’il arrive, elle a d’ores et déjà indiqué qu’elle fera tout son possible pour que Mumia soit exécuté.

Racisme, arguments erronés et préjugés

Nous avons été très déçus par le refus de la Cour fédérale d’accéder à notre requête visant à l’annulation de la condamnation et à l’organisation d’un nouveau procès pour statuer sur la question de la culpabilité ou de l’innocence de Mumia. Dire que nous sommes inquiets est un euphémisme, parce que cette décision est une atteinte à la Constitution des États-Unis et à la jurisprudence.
Le fait est que le procureur a eu une attitude raciste lors de la sélection des jurés et qu’il leur a présenté des argument faux et fallacieux qui ont dénaturé les concepts du doute raisonnable et de la présomption d’innocence. Le juge du fond s’est montré partial et sectaire, déclarant même, en parlant de mon client, qu’il allait « les aider à faire frire le nègre ».
Malheureusement, le tribunal a employé contre Mumia les faiblesses des avocats qui l’ont représenté il y a des années devant les tribunaux d’État et les juridictions fédérales de première instance. Ces erreurs ne doivent néanmoins pas servir d’excuse pour tenter de justifier les violations constitutionnelles fondamentales qui se sont produites dans cette affaire.

Une divergence qui nous inspire

L’opinion développée sur 41 pages par le juge Thomas L. Ambro à l’égard de l’attitude raciste observée au cours de la procédure de sélection du jury est la note positive de ce jugement. Cette prise de position remarquable débute ainsi : « L’exclusion, ne serait-ce que d’une seule personne, d’un jury, en raison de sa race, constitue une violation de la clause de la Protection égale inscrite dans notre Constitution (Affaire Batson v. Kentucky, 476, États-Unis 79, 84-86, 99 n. 22, 106 S.Ct. 1712, 90 L.Ed.2d 69 (1986)). Ce principe simple de la justice a été réaffirmé par notre Cour suprême la semaine passée (Affaire Snyder v. Louisiane, numéro 06-10119, 2008 WL 723750, à *4 (le 19 mars 2008) ».
Le juge a conclu que toute personne « a droit à un procès juste et équitable devant un jury composé de pairs. Comme Batson nous le rappelle, "le principal objectif de la Protection égale, qui est celui de garantir aux citoyens que leur État ne fera aucune distinction fondée sur la race, serait sans objet si nous approuvions l’exclusion de certains jurés sur la base… de la race". » (Id. 97-98).

« L’exception Mumia »

Le dernier refus en date de rejuger Mumia semble s’inscrire dans ce que l’on nomme désormais l’« exception Mumia ». David Lindorff, journaliste d’investigation remarqué et auteur du livre « Killing Time: An Investigation into the Death Row Case of Mumia Abu-Jamal1 » signalait le 2 avril 2008 dans le Philadelphia Inquirer que « les tribunaux sont allés jusqu’à changer les règles afin de maintenir Abu-Jamal sous le coup d’une exécution ». L’expression « Exception Mumia » utilisée pour la première fois par le professeur Linn Washington ne pourrait pas être mieux illustrée.

Réaction du District Attorney

Le procureur de district a semblé très contrarié que la Cour fédérale accorde un nouveau procès avec jury. Lors d’une conférence de presse le 27 mars 2008 (le jour de la décision), Madame le Procureur a juré que son équipe continuerait de se battre pour obtenir l’exécution de mon client.
Je regrette que l’accusation n’ait pas pu s’empêcher de déformer la réalité, comme c’est malheureusement le cas depuis le début de ce procès il y a un quart de siècle. En effet,  le procureur a indiqué à tort que la Cour avait « jugé que … M. Jamal était coupable ». Ce n’est pas ce que la Cour d’appel des États-Unis a conclu et ça n’a aucun sens ; il n’y a pas eu de nouveau procès ni de nouveau verdict

Que faire maintenant ?

L’opposition du juge Ambro est une lueur d’espoir dans la nuit, notre feuille de route pour la suite des événements. Le 9 avril 2008, la Cour d’appel des États-Unis a accédé à ma demande de délai supplémentaire pour le dépôt d’une requête de nouvelle audience et de nouvelle audience en groupe. Cette requête, que nous devons présenter le 27 mai prochain, demandera le réexamen de l’affaire par l’ensemble des juges du troisième circuit.
Elle reposera sur deux arguments principaux : le premier est que la « décision du panel est contraire à une décision de la Cour suprême ou du tribunal auquel la requête est adressée, et que, de ce fait, il est nécessaire que l’ensemble des juges statuent afin de garantir le principe d’uniformité des décisions des tribunaux » ; le second porte sur le fait que « la procédure concerne une ou plusieurs questions d’une importance exceptionnelle ».
Si nous échouons, nous irons devant la Cour suprême des États-Unis.

Mumia toujours en danger

Les questions qui se posent dans cette affaire sont liées au droit de toute personne à bénéficier d’un procès équitable, à la lutte permanente contre la peine de mort et à la répression politique contre un écrivain et journaliste, courageux. Depuis trente ans, je défends avec succès des personnes passibles de la peine de mort ; je suis convaincu que nous pouvons obtenir un acquittement si nous obtenons un nouveau procès avec jury. Je veux que Mumia soit acquitté, qu’il rentre à la maison et retrouve sa famille. Je ne baisserai pas les bras.
À l’heure actuelle, Mumia est toujours dans le quartier des condamnés à mort et en grand danger. Sa vie est menacée. Nous devons nous rappeler que le racisme, la fraude, les manipulations et l’injustice ont miné cette affaire depuis le début.
Enfin, nous remercions tous ceux qui se démènent pour attirer l’attention publique sur l’injustice qui caractérise cette affaire, en organisant des manifestations et des réunions, en écrivant aux journaux et en faisant circuler l’information sur internet. Toutes ces initiatives sont importantes. Nous parlons tous d’une seule voix dans cette campagne pour la justice : libérez Mumia ![/fr][en]As widely reported in the media, the United States Court of Appeals for the Third Circuit issued its long-awaited decision on March 27, 2008.  Mumia and I had legal conferences that day, and have been in frequent meetings since.
We view the opinion of the three-judge panel as a mixed bag with some good, some very wrong, and a remarkable dissenting opinion by a judge on racism that gives us great hope for eventual victory.  A new jury trial has been ordered by the federal court on the question of whether Mumia should live or die, due to the trial judge’s unconstitutional and misleading instructions to the jury.
It is a positive step in any capital case when a court finds that the death penalty was wrongfully imposed. Mumia is pleased with this part of the ruling because it could help others on death rows across America.
The prosecution now has various options including seeking reconsideration by the federal court and petitioning the United States Supreme Court to have the death sentence remain intact, and has vowed to do all possible to have Mumia executed.

Racism, false argument and judicial bias

It was a great disappointment that the federal court rejected our quest for a reversal of the conviction and a new trial on the question of guilt and innocence.  To say that Mumia and I are unhappy with this would be an understatement, for the decision flies in the face of the United States Constitution and case precedent.
The facts are that the prosecutor did engage in racism during jury selection, and made a false and misleading argument to the jury which turned the concept of reasonable doubt and presumption of innocence on its head.  The trial judge was biased and bigoted, even stating in reference to my client that he was “going to help’em fry the nigger.”
Unfortunately, the court used against Mumia the failings of the lawyers who represented him years ago in the state and lower federal court.  These mistakes should not serve as an excuse to rationalise away the fundamental constitutional violations that occurred in this case.

An inspiring dissent

The silver lining of this ruling is that Judge Thomas L. Ambro wrote a 41-page dissent on the racism-in-jury-selection issue.  This brilliant opinion began: "Excluding even a single person from a jury because of race violates the Equal Protection Clause of our Constitution.  See Batson v. Kentucky, 476 U.S. 79, 84-86, 99 n. 22, 106 S.Ct. 1712, 90 L.Ed.2d 69 (1986).  This simple justice principle was reaffirmed by our Supreme Court this past week.  Snyder v. Louisiana, No. 06-10119, 2008 WL 723750, at *4 (Mar. 19, 2008)."
The judge concluded that everyone "is entitled to a fair and impartial trial by a jury of his or her peers.  As Batson reminds us, ‘[t]he core guarantee of equal protection, ensuring citizens that their State will not discriminate on account of race, would be meaningless were we to approve the exclusion of jurors on the basis of . . . race.’"  Id. at 97-98.

The "Mumia Exception"

The latest denial of a new trial to Mumia has been referred to as part of the “Mumia Exception.”  David Lindorff, a noted investigative journalist and author of Killing Time: An Investigation into the Death Row Case of Mumia Abu-Jamal, wrote in the Philadelphia Inquirer on April 2, 2008, that the “courts have altered the rules just to keep Abu-Jamal on course for death.”  What Professor Linn Washington earlier dubbed the “Mumia Exception” could not have been more on target.

Reaction of the District Attorney

The District Attorney appeared livid that the federal court had ordered a new penalty-phase jury trial.  At a press conference on March 27, 2008, the day of the decision, she vowed that her office will continue pursuing the execution of my client.
Sadly, the prosecution could not resist distorting the truth as it has from the outset over a quarter of a century ago.  The DA falsely said that the court “decided . . . that Mr. Jamal was guilty.”  That is not what the U.S. Court of Appeals found and is nonsense; there was no retrial or verdict.

Where we go from here

The dissent of Justice Ambro is a light in the darkness, a roadmap as to where we go from here. On April 9, 2008, the U.S. Court of Appeals granted my 45-day Motion for Extension of Time To File Petition for Rehearing and Rehearing En Banc.  The rehearing petition, now due on May 27, 2008, will be seeking review of the case by all the judges in the Third Circuit.
The basis will be that “the panel decision conflicts with a decision of the United States Supreme Court or of the court to which the petition is addressed and consideration of the full court is therefore necessary to secure uniformity of the court’s decisions,” and, “the proceeding involves one or more questions of exceptional importance”.
If unsuccessful, we will proceed to the Supreme Court.

Mumia still in danger

The issues in this case concern the right to a fair trial, the ongoing struggle against the death penalty, and the political repression of a courageous author and journalist.  Based upon three decades of successfully defending people facing the death penalty, I am convinced that we can win an acquittal upon a new jury trial.  My goal is his acquittal, for Mumia to go home to his family.  I will not ret until that occurs.
Mumia is still on death row and in great danger—his life hangs in the balance.  We must remember that racism, fraud, politics, and unfairness are threads that have run through this case from the beginning.
Finally, we are grateful for all those who do so much to bring the injustice in this case to public attention, whether it be through demonstrations, writing to newspapers, meetings, or circulating information on the Internet. This is all important. We are of one voice in this campaign for justice: Free Mumia![/en]"

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