“Nous devons sentir la réalité de la peine de mort”

Asie

Publié par Lauranne Mailhabiau, le 22 juin 2015

Sentir l’opinion publique autour de la peine de mort

Mathilda Bogner, représentante de la région Asie du Sud Est auprès de l’OHCHR, a souligné le fait que les hommes politiques se sont toujours servis de l’opinion publique pour justifier le recours à la peine de mort puisque celle-ci y reste souvent favorable. Comme en témoigne Chow Ying Ngeow, représentante d’ADPAN, un débat sur la peine de mort peut devenir très sensible : « à Taiwan, par exemple, les personnes travaillant pour des organisations abolitionnistes reçoivent des menaces de mort ».

Julian McMahon, avocat australien ayant représenté Myuran Sukumaran et Andrew Chan, a expliqué que « l’une des difficultés en Indonésie était l’éducation de la population à la peine de mort ». Il n’y a pas de débat public sur la question.
Le rôle des médias a également été souligné. Ils ont un impact réel sur l’opinion publique. Tan Sri Muhammad Shafee Adbullah, représentant de la Malaisie auprès de la commission intergouvernementale pour les droits de l’Homme à l’ASEAN, a reconnu que les médias ont la capacité de « potentiellement détruire tout geste sympathique de négociations diplomatiques.

Sentir le poids du système judiciaire autour de la peine de mort

En Malaisie, la peine de mort est obligatoire pour toute personne condamnée pour meurtre ou trafic de drogue, ce qui est problématique pour plusieurs raisons. D’abord, les cas relatifs aux drogues sont les plus aisés pour prouver la culpabilité de la personne arrêtée. Ensuite, les policiers, devant remplir des quotas d’arrestation à atteindre, se concentrent sur le trafic de drogue. « A ceci s’ajoute l’image négative du trafic de drogue, à laquelle peu d’avocats osent s’associer ». C’est ainsi que Ricky Gunawan, directeur du Community legal aid institute en Indonésie, a dénoncé la véritable addiction de l’Indonésie à la peine de mort.
 
Une fois arrêté, la charge de la preuve est extrêmement pensante. Steven Thiru, président du barreau malaysien, a expliqué qu’à « Singapour, il y a trois degrés de présomptions de culpabilité. Quand vous êtes trouvé en possession d’une certaine quantité de drogues, vous êtes un trafiquant présumé. Quand vous êtes en possession d’un objet contenant ou ayant contenu de la drogue, vous êtes présumé au courant du contenu de cet objet. Enfin, vous êtes présumé au courant de la substance contenue dans la drogue ». Pour finir, la personne arrêtée est la plus part du temps représentée par un avocat commis d’office n’ayant pas les moyens d’engager des experts pour assurer une défendre efficace.

Chin-Hsien Chen, un juge Taiwanais a conclu « Je suis arrivé à la conclusion qu’un juge ne pouvait pas éviter de condamnation à tort ».  C’est cempendant un constat que peu de juges sont prêts à faire. « Je pense qu’un juge contre la peine de mort est une personne qui se sent bien seule ».

Ressentir le cas des étrangers condamnés à mort 

« En Indonésie, la grande majorité des personnes exécutées est étrangère. Cela signifie-t-il que 99% du trafic de drogue en Indonésie est aux mains des étrangers ? » s’est demandé le professeur Zimring. Des étrangers qui se retrouvent bien souvent privés du droit à un procès équitable parce qu’ils sont incapables de comprendre le procès ou n’ont pas un accès immédiat à un avocat. « La plus part du temps, le consulat n’apprend la nouvelle que par les médias locaux ».

Ressentir le refus de réhabiliter les condamnés à mort

Le pouvoir de la réhabilitation doit être reconnu. Les gouvernements doivent donner une seconde chance à un individu d’avoir une vie meilleure. Myuran Sukumaran et Andrew Chan en sont des exemples. Ils avaient changé leur comportement, s’étaient excusés de leurs erreurs et aidaient d’autres prisonniers. Comme l’a dit l’évêque Desmond Tutu, lors d’une vidéo diffusée pendant la cérémonie d’ouverture, « il n’y a pas de justice dans le fait de tuer au nom de la justice. L’espoir est notre force et la tolérance et le pardon sont nos buts ». 

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