Des familles de victimes de meurtres américaines plaident pour l’abolition en Asie

Asie

le 14 juillet 2010

Des militants de Murder Victims’ Families for Human Rights (MVFHR), organisation basée aux Etats-Unis et membre de la Coalition mondiale, se sont rendus en Corée du Sud, au Japon et à Taïwan du 20 juin au 6 juillet. Ils ont mené une tournée de sensibilisation et ont rencontré des élus, des avocats, des dirigeants religieux et des membres de familles de victimes de meurtres.
Les participants à cette tournée, qui ont perdu un membre de leur famille suite à un meurtre ou à une exécution perpétrée par l’Etat, ont discuté de l’incidence de la peine de mort et de la façon dont les sociétés peuvent répondre au mieux aux besoins des victimes à la suite d’un acte violent.
Lors des débats publics, ils ont été enchantés de s’adresser à un auditoire varié, comptant entre autre des procureurs et des avocats de la défense, des membres d’associations de victimes, des parlementaires ou leurs assistants, des professeurs d’université et des étudiants.
« Il s’est clairement dégagé, d’après les réactions émises aussi bien lors des présentations publiques que lors de plusieurs réunions privées ou bien des discussions informelles tenues avant et après les évènements, que la présence de membres américains de MVFHR a permis de discuter de la peine de mort d’une manière rarement, voire jamais, abordée dans ces pays », a déclaré Susannah Sheffer de la MVFHR. Le fait que des proches de victimes de meurtres puissent s’opposer à la peine de mort a apporté une nouvelle dimension au débat en Asie.

Pas de deuil en ôtant la vie d’autrui

Jeanne Bishop (photo ci-dessus), dont la sœur et le beau-frère ont été assassiné en 1990, a dit aux avocats de la Fédération japonaise des associations du barreau : « L’amour que j’éprouvais pour ma sœur et la peine occasionnée par sa perte ne pourront jamais cesser, certainement pas en versant plus de sang et en ôtant une vie supplémentaire. Tuer le meurtrier ne m’apporterait pas non plus justice. Sa vie n’équivaudra jamais à la leur. Sa mort ne pourra jamais compenser le coût de leur perte. » En tant qu’avocat de la défense, elle s’est également adressée à ses collègues japonais en leur disant que les procès engageant la peine de mort « sont particulièrement sujet à erreur car ils suscitent une forte réaction émotionnelle. » Cela signifie que des innocents peuvent être exécutés. Elle a ajouté que l’expérience américaine de la peine de mort avait clairement démontré que la peine capitale est « coûteuse » et « peu dissuasive ».
Robert Meeropol (photo, à droite), le fils d’Ethel et de Julius Rosenberg qui ont été exécutés pour espionnage en matière de secrets nucléaires, a fait savoir à son auditoire à Hiroshima qu’il ressentait une affinité avec lui en raison de la souffrance causée à sa famille par la bombe. « L’exécution d’une personne n’apportera qu’une nouvelle douleur et souffrance à de nouvelles victimes, aux enfants et d’autres membres de la famille de la personne qui est exécutée », a-t-il déclaré.

Expérience commune

Cette tournée a permis aux participants de débattre avec les partisans de l’utilisation de la peine de mort. « A Taïwan, l’un des intervenants au côté des membres de MVFHR était le directeur d’une fondation créée par un membre de famille de victime très en vue et au franc-parler qui plaide énergiquement en faveur de la peine de mort », a déclaré Susannah Sheffer.
En dépit de la distance physique et culturelle entre l’Asie et les Etats-Unis, les visiteurs et leur auditoire ont trouvé que la communication était facilitée de par leur expérience commune conséquente – qu’elle soit professionnelle, comme pour Jeanne Bishop et les avocats japonais, ou bien émotionnelle quand les membres de MVFHR ont rencontré huit proches de victimes de meurtres en Corée du Sud (photo ci-dessous).
Les échanges ont grandement encouragé les personnes militant en faveur de l’abolition en Asie et qui estiment que le manque de débats informés est un facteur clé expliquant pourquoi la peine de mort continue d’être utilisée sur ce continent. « Je pense qu’il n’y a pas encore de débat mûr, responsable et ouvert au Japon au sujet de la peine de mort », a déclaré un diplomate de l’Union Européenne, Stefan Huber, lors de la conférence organisée par MFVHR à Tokyo. « Ainsi, de nombreux membres du public n’ont pas la possibilité de comprendre de façon complètement informée les questions complexes qui sont en jeu. C’est probablement une des raisons expliquant pourquoi l’opinion publique japonaise est encore en faveur de la peine de mort », a-t-il précisé. L’Union Européenne participe au financement de MVFHR.

« Collaboration avec les collègues dans les pays rétentionnistes »

Après la soirée Paroles de victimes lors du Congrès mondial contre la peine de mort à Genève en février 2010, cette tournée en Asie constituait une nouvelle opportunité pour MVFHR de contribuer à l’effort mondial contre la peine capitale. « Nos collègues en Asie luttent contre la peine de mort sous une pression considérable et sont même menacés », a déclaré Sheffer.
« Il est important de non seulement diffuser les histoires des victimes à travers les frontières mais également de travailler en collaboration avec les collègues dans les pays rétentionnistes. L’objectif est de créer un climat social et politique dans lequel les victimes seront plus à même d’exprimer leur opposition à la peine de mort et, progressivement, travailler à un changement de paradigme pour qu’on ne suppose pas que les victimes soient unilatéralement en faveur de la peine de mort et que les législateurs reconnaissent qu’il soit possible d’être à la fois contre la peine de mort et pour les victimes », a-t-elle ajouté.

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