Vers l’abolition de la peine de mort en RDC : des avancées à confirmer

Afrique

Publié par Olivier LUNGWE FATAKI - Pax Christi Uvira, le 13 décembre 2016

La peine de mort dans le droit congolais

Quoique prévue par la loi, la peine de mort n’est pas sans souffrir dans son application. Par le moratoire de fait instauré depuis 2003, la RDC s’inscrit dans la lignée des Etats qui ne tuent pas le criminel mais le placent systématiquement en prison. De surcroit, une tendance abolitionniste semble guider la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour ainsi que la production normative du parlement de la RDC, même si celui-ci n’a toujours pas réussi à adopter un texte de loi supprimant expressément la peine de mort.

L’arsenal juridique congolais dispose, à ce jour, de deux faces diamétralement contradictoires sur la question de la peine de mort. Des textes juridiques prévoient la peine de mort pour certains chefs d’accusation tandis que d’autres s’inscrivent en faux par rapport à cette peine.

Au rang des textes juridiques qui témoignent de la présence de la peine de mort en droit congolais figurent trois instruments, à savoir : le code pénal ordinaire de 1940, prévoyant la peine de mort pour des crimes tels que l’assassinat ou le vol à main armée, le code pénal militaire de 2002 ( amendé en 2015) élargissant les cas passibles de la peine de mort à l’espionnage, aux actes terroristes, à la désertion, etc., et enfin l’arrêté de 1898 qui prévoit la pendaison comme mode d’exécution pour les civils et la fusillade pour les militaires.

La RDC sur le chemin de l’abolition de la peine de mort ?

En RDC, une politique implicite d’abolition de la peine capitale semble guider beaucoup d’instruments juridiques, pour la plupart adoptés à partir de 2003. Cela dénote une tendance émergeante vers l’abolition de la peine de mort alors qu’un nombre croissant d’instruments juridiques tant nationaux qu’internationaux abondent dans ce sens. En RDC, un moratoire a été instauré en 2003 et a suspendu les exécutions depuis lors. La Constitution de 2006, ne contenant aucune disposition sur la peine de mort, consacre par ailleurs dans ses articles 16 et 61 la sacralité de la vie humaine et le caractère indérogeable du droit à la vie. La loi n° 06/018 de 2006 a abrogé la peine de mort pour viol suivi de mort, le remplaçant par la servitude pénale à perpétuité, tandis que la loi n° 09/001 de 2009 affirme que nul individu ne peut être condamné à mort pour des crimes commis avant ses 18 ans. 

Les défis pour l’abolition en RDC

Si la RDC fait partie des pays n’appliquant plus la peine de mort, elle ne l’a toutefois pas abolie. Cette attitude hisse le pays au rang des abolitionnistes de fait et elle a été consolidée par l’annonce positive du vice-ministre en charge de la justice et des droits humains à voter pour le moratoire aux Nations unies en décembre 2016 . Le chemin de l’abolition en RDC reste tout de même parsemé d’épines.

Contre toute attente, la loi  de mise en œuvre du Statut de Rome signée le 31 décembre 2015 a haussé le ton en faveur du maintien de la peine de mort. Qui plus est, le 13 septembre 2016, le Gouverneur de la Province du Nord-Kivu a publié un communiqué de presse  dans lequel il recommande au Parlement et au Gouvernement de suspendre, pour une durée de 2 ans, le moratoire relatif à la peine de mort, le temps que les services de défense et de sécurité maitrisent la situation sécuritaire alors que l’Est du pays connaît une recrudescence criminelle.
   
Aujourd’hui, le combat contre la peine de mort en RDC prend de l’ampleur, opposant ouvertement rétentionnistes et abolitionnistes. La société congolaise, surtout de l’Est du pays, est confrontée à des formes exacerbées de recrudescence criminelle dont la population civile est la première victime, au point de donner à croire à celle-ci que la solution viendrait de l’application de la peine de mort.

Loin s’en faut, et ainsi que le rappelle le Pape François, les sociétés modernes ont la possibilité de réprimer efficacement les crimes sans ôter définitivement la possibilité de se racheter pour ceux qui les ont commis. La volonté affichée par la RDC, lors du 6e Congrès mondial contre la peine de mort, de vouloir faire un pas de plus vers l’abolition de la peine de mort est certes louable mais pas suffisante. Il faut faire plus : en ce sens, le législateur congolais devrait revisiter tous les textes juridiques en déphasage avec l’idéal de la sacralité de la vie humaine afin de consolider l’Etat de droit.

L’abolition de la peine de mort devrait par ailleurs s’accompagner d’une politique criminelle et pénitentiaire conforme aux exigences du droit moderne. Comme le disait Victor Hugo, agir contre la peine capitale, ce n’est pas seulement éviter la mort de tel ou tel condamné, alerter l’opinion, réclamer une justice plus humaine. C’est aussi et surtout lutter autrement contre le crime, comprendre les raisons de ce mal qui ronge la société.

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