Deuxième Protocole facultatif : Foire aux questions

Protocole

Publié par Pierre Désert, le 27 juin 2008

Qu’est-ce que le Deuxième protocole?
Le Deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à l’abolition de la peine de mort, est le seul traité international à portée universelle qui interdise les exécutions et qui ait pour but l’abolition totale de la peine de mort. Ce texte, annexé au Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en 1989, requiert des Etats qui l’ont ratifié de renoncer définitivement à la peine de mort.

Qui peut ratifier le Deuxième protocole ?
Le Deuxième protocole est ouvert à la signature et à la ratification de tout Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)

Quand a-t-il été adopté et quand est-il entré en vigueur ?
Il a été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU par la résolution 44/128 du 15 décembre 1989 et il est entré en vigueur le 11 juillet 1991 après la dixième ratification.

Que dit le Deuxième protocole ?
Le Préambule du Protocole met l’accent sur le fait que l’abolition de la peine de mort est un moyen d’améliorer les droits de l’Homme et suppose un engagement des Etats parties à cette fin.
L’article 1er prévoit une interdiction des exécutions et l’abolition de la peine de mort dans la juridiction des Etats parties.
L’article 2 autorise les Etats parties à appliquer la peine de mort pour les crimes militaires d’une gravité extrême commis en temps de guerre.
L’article 6 précise que l’interdiction des exécutions ne peut faire l’objet de dérogations, même en cas de danger public.
Les articles 3, 4 et 5 se rapportent aux obligations des Etats parties concernant les rapports périodiques et la procédure de plainte devant le Comité des Droits de l’Homme.
Enfin, les articles 7 à 11 sont relatifs aux questions procédurales.

Les réserves sont-elles autorisées par le Deuxième protocole ?
L’article 2 autorise les Etats à appliquer la peine de mort à la suite d’une condamnation pour un crime d’une gravité extrême de caractère militaire commis en temps de guerre. Cette réserve ne peut être formulée qu’au moment de la ratification. Comme aucune autre réserve ne peut être formulée à un autre moment, les Etats parties au Deuxième protocole s’engagent à abolir la peine de mort, même en cas de changement ultérieur de leur législation interne.

Des Etats ont-ils formulé des réserves ?
Les réserves en vigueur sont les suivantes :
Azerbaïdjan : « Il est prévu l’application de la peine de mort en temps de guerre à la suite d’une condamnation d’une personne pour un crime de caractère militaire, d’une gravité extrême, commis en temps de guerre. »
Brésil :  « … avec une réserve expresse à l’article 2. »
Chili : « L’État chilien formule la réserve autorisée par le paragraphe 1 de l’article 2 du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort et peut de ce fait appliquer la peine de mort en temps de guerre à la suite d’une condamnation pour un crime de caractère militaire, d’une gravité extrême, commis en temps de guerre. »
Grèce : « Sous la réserve prévue à l’article 2 […] prévoyant l’application de la peine de mort en temps de guerre à la suite d’une condamnation pour un crime de caractère militaire, d’une gravité extrême, commis en temps de guerre. »
Salvador: « avec une réserve expresse, permise aux États en vertu de l’article 2 du Protocole, concernant l’application de la peine de mort conformément à l’article 27 de la Constitution de la République d’El Salvador qui stipule : « La peine de mort peut être imposée uniquement dans les cas prévus par les lois militaires pendant un état de guerre international ».
Chypre, l’Espagne et Malte ont retiré leurs réserves. L’Azerbaïdjan avait initialement formulé sa réserve comme suit : « La République d’Azerbaïdjan déclare, en adoptant [ledit Protocole] qu’elle autorise dans des cas exceptionnels, par une loi spéciale, l’application de la peine de mort pour certain crimes graves commis durant la guerre ou en case de menace de guerre », mais suite aux objections formulées par l’Allemagne, la Finlande, la France, les Pays Bas et la Suède, selon lesquelles la réserve était incompatible avec l’article 2 du Deuxième protocole, le 28 septembre 2000, le gouvernement de l’Azerbaïdjan a communiqué au Secrétaire Général la modification de sa réserve faite au moment de l’adhésion.

Qu’est-ce que le PIDCP ?
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est un des traités fondamentaux en matière de droits de l’Homme. Adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1966, il est entré en vigueur en 1976. Avec la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux, et culturels, il forme ce qu’il convient d’appeler la Charte internationale des droits de l’Homme.
Il couvre un large éventail de droits civils et politiques, dont le droit à la vie (article 6) et la prohibition de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (article 7).

Comment le respect du Pacte et de ses Protocoles est-il contrôlé ?
Une fois qu’un Etat ratifie un traité comme le PIDCP et/ou le Deuxième protocole, il s’engage à présenter régulièrement des rapports au Comité des Droits de l’Homme sur la façon dont les droits garantis par le traité sont mis en œuvre. Les Etats doivent présenter un rapport initial dans l’année suivant la ratification, puis à chaque fois que le Comité le demande (en général tous les quatre ans).
En plus de la procédure de rapport, l’article 41 du Pacte prévoit la possibilité pour le Comité de connaître des plaintes interétatiques (seulement pour les Etats qui ont accepté cette possibilité). En outre, le Premier Protocole facultatif au Pacte donne au Comité des Droits de l’Homme la compétence pour examiner les communications individuelles concernant des violations alléguées du Pacte par les Etats parties au Protocole.
La compétence du Comité des Droits de l’Homme s’étend au Deuxième protocole additionnel au PIDCP, qui vise à l’abolition de la peine de mort, pour les Etats qui sont parties au Protocole. A cet égard, le Comité fait des recommandations aux Etats pour qu’ils se conforment au mieux à leurs obligations découlant du Protocole. Quand ils présentent leur rapport au Comité des Droits de l’Homme, les Etats parties au Deuxième protocole doivent, au titre de l’article 40 du Pacte, apporter toute information sur les mesures adoptées pour donner effet au Protocole.

Qu’est-ce que le Comité des Droits de l’Homme ?
Le Comité des Droits de l’Homme est un organe composé d’experts indépendants qui contrôle la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les Etats parties. Le Comité des Droits de l’Homme est un des organes des Nations Unies de contrôle des traités, chargé de contrôler la mise en œuvre des principaux traités sur les droits de l’Homme, qui sont à ce jour au nombre de sept (pour une liste complète, voir le site du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme).
Le Comité des Droits de l’Homme est composé de dix-huit experts indépendants élus pour un mandat de quatre ans renouvelable. Il se réunit trois fois par an pour des sessions de trois semaines, en général à Genève ou à New York.
Le Comité des Droits de l’Homme publie son interprétation du contenu des droits garantis par le Pacte, dans ce qui est appelé des « observations générales » sur des questions thématiques ou de procédure.

Quelles sont les obligations d’un Etat partie au Pacte et d’un Etat qui en est signataire ?
Le droit international des droits de l’Homme créé des obligations que les Etats sont tenus de respecter. En devenant parties à ces traités internationaux, les Etats souscrivent à l’obligation de respecter, protéger et assurer les droits de l’Homme.
Sous le Deuxième protocole, les devoirs principaux des Etats sont d’interdire les exécutions dans leur juridiction et de prendre toutes les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort dans leur juridiction.
Les Etats qui ont signé le Pacte mais ne l’ont pas encore ratifié ne sont pas liés par les obligations contenues dans le Pacte. Cependant, d’après le droit des traités établis par la Convention de Vienne sur le droit des Traités (1969), un Etat qui est signataire d’une convention internationale est obligé de s’abstenir de tout acte contraire à l’objet et au but de cette convention.
Dans le cas du Deuxième protocole, il est possible d’affirmer que la signature du texte interdit aux Etats de procéder à des exécutions dans des territoires relevant de leur juridiction, car cela serait perçu comme une violation de l’objet et du but du traité.

Le Deuxième protocole est-il le seul instrument international relatif à la peine de mort ?
Il y a à ce jour quatre instruments internationaux qui concernent l’abolition de la peine de mort. Le Deuxième protocole est le seul de portée mondiale.
Les trois autres instruments régionaux sont :
Le Protocole 6 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales [Convention européenne des droits de l’Homme] sur l’abolition de la peine de mort, adopté par le Conseil de l’Europe en 1982, prévoit l’abolition de la peine de mort en temps de paix ; les Etats parties peuvent conserver la peine de mort pour les actes « commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre »
Le Protocole 13 à la Convention européenne des droits de l’Homme, sur l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, adopté par le Conseil de l’Europe en 2002, prévoit l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris en temps de guerre ou de danger imminent de guerre.
Le Protocole à la Convention américaine des droits de l’Homme sur l’abolition de la peine de mort, adopté par l’Organisation des Etats américains en 1990, prévoit l’abolition totale de la peine de mort, mais il permet aux Etats de conserver la peine de mort en temps de guerre s’ils font une déclaration en ce sens au moment de la ratification ou de l’adhésion au Protocole.

Qui a déjà signé/ratifié le Deuxième protocole ?
Au 15 janvier 2017, 84 Etats étaient parties au Deuxième protocole facultatif et deux l’avaient seulement signé. Consulter l’état des ratifications ici.

Le Deuxième protocole est-il applicable immédiatement après la ratification ?
Le Deuxième protocole ne prévoit aucun délai pour sa mise en œuvre après la ratification. Un délai dans la mise en œuvre résulterait en une violation du Deuxième protocole. En d’autres termes, à partir du moment où un Etat ratifie, il a l’obligation de ne pas procéder à des exécutions dans sa juridiction et d’abolir la peine de mort immédiatement.

Qu’en est-il des personnes déjà condamnées à mort ?
Etant donné l’interdiction claire des exécutions contenue dans le Protocole, l’Etat serait obligé de commuer les peines. Le Deuxième protocole oblige l’Etat à s’assurer qu’il n’expose personne à un risque réel d’exécution.

La peine de mort est-elle abolie définitivement dans les Etats parties ? Le Protocole est-il irrévocable ?
Le Protocole est important au plan national car il empêche virtuellement la restauration de la peine de mort. En effet, un Etat qui souhaiterait réintroduire la peine de mort dans son droit interne devrait d’abord se retirer du Protocole. Fait marquant, le Protocole ne prévoit aucun mécanisme de retrait. L’absence d’une telle disposition procédurale signifie qu’une fois que l’Etat a ratifié le Deuxième protocole, la peine de mort ne peut jamais être réinstaurée sans violer le droit international.

Quel est l’impact du Deuxième protocole sur l’abolition universelle de la peine de mort ?
Selon Marc Bossuyt, le Rapporteur spécial chargé de rédiger le texte, le Deuxième protocole a deux buts principaux : d’une part, il constitue un engagement international des Etats à abolir la peine de mort, et, d’autre part, de servir de « pôle d’attraction » pour par exemple encourager les Etats qui n’ont pas encore pris cet engagement à le faire.
De plus, au plan national, quand un Etat ratifie le Protocole, il n’accepte que personne dans la juridiction d’un Etat partie au Protocole ne soit exécuté, sauf exception pour la période de guerre. Non seulement c’est un moyen pour l’Etat d’abolir d’établir sa position abolitionniste au travers du droit international, mais le Protocole interdit de manière implicite la réinstauration de la peine de mort, et, comme il ne prévoit pas de possibilité de retrait, il constitue une très forte garantie contre la réintroduction de la peine de mort en droit interne.
Toutefois, la signification du Deuxième protocole va bien au-delà de la dimension nationale. Au plan international, le Deuxième protocole va en définitive mettre hors la loi les exécutions et établir sans équivoque le principe selon lequel la peine de mort est une violation des droits de l’Homme, en particulier du droit à la vie. Cependant, pour ce faire, le nombre d’Etats qui soutiennent le Protocole doit atteindre une « masse critique ». En d’autres termes, plus le nombre d’Etats parties au Protocole sera élevé, plus le Deuxième protocole établira fermement que la peine de mort est une violation des droits de l’Homme, élevant ce principe au rang du droit international coutumier.

Si un Etat a déjà arrêté les exécutions, quelle différence cela fait-il ?
La ratification du Deuxième protocole empêchera les gouvernements suivants de réinstaurer la peine de mort. Comme l’explique Denys Robiliard, avocat et ancien président d’Amnesty International France, « ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire et on sait qu’à la faveur d’une crise, la peine de mort peut être rétablie. Il faut donc convaincre les parlementaires des pays abolitionnistes de la nécessité, malgré l’abolition en droit interne, de prendre des engagements internationaux à ce propos, les seuls qui soient irréversibles ». Quelque soit le temps que ça doit prendre, c’est ce traité qui établira de façon définitive et inconditionnelle que la peine de mort est inacceptable.

Pourquoi la Coalition mondiale contre la peine de mort mène-t-elle une campagne sur le Deuxième protocole ?
Le Deuxième protocole est le seul traité international à portée universelle qui interdise les exécutions et est un instrument clé pour assurer l’abolition de la peine de mort à travers le monde : dès qu’un Etat le ratifie, la peine de mort y est abolie de manière irrévocable, sans retour possible, peu important les changements de gouvernement ou de situation politique. Une fois qu’une majorité d’Etats dans le monde aura ratifié le Protocole, celui-ci sera utilisé comme l’instrument qui prohibe la peine de mort en droit international.
Il n’y a à ce jour aucune campagne globale et organisée visant spécifiquement à obtenir la ratification du Deuxième protocole. La Coalition mondiale contre la peine de mort a donc en vue de combler ce vide.

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