Protocole 2 : « Un mécanisme irréversible d’abolition de la peine de mort » – Denys Robiliard

le 7 septembre 2020

Quel est l’apport du Deuxième protocole facultatif et sa particularité au regard du Droit international ?

C’est d’abord le seul texte international qui abolisse la peine de mort et qui ait une vocation universelle. Certes, une réserve est possible, mais elle a une double limitation aux crimes militaires d’une part, et commis en temps de guerre d’autre part (1). C’est une limitation plus importante par exemple que la réserve du protocole 6 de la convention européenne des droits de l’Homme (2). L’autre caractéristique majeure du Protocole 2 c’est que, à l’instar du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le protocole n’est pas dénonçable. Une fois qu’un État l’a ratifié, il ne peut plus revenir en arrière. C’est par conséquent un mécanisme irréversible d’abolition de la peine de mort.

Le 3 ème Congrès mondial a été l’occasion d’examiner l’état de ratification du Protocole 2 dans un certains nombres de pays. Quel enseignement peut-on tirer notamment de la situation du Cambodge (3)?

D’abord, la question de la ratification du Protocole 2 se pose pays par pays. Le travail effectué pour le Congrès par la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme était particulièrement intéressant en termes de méthode. Elle a en effet procédé à une analyse exhaustive des obstacles qu’il pouvait y avoir au niveau du gouvernement et du parlement cambodgiens à procéder à une telle ratification. Il en ressort notamment que la situation de quasi-rapport de force qui existe actuellement entre le Cambodge et la communauté internationale sur la question du jugement des anciens khmers rouges rend difficile toute mesure promouvant, peu ou prou, le droit international.

Mais l’identification des obstacles permet de réfléchir aux moyens de les contourner. Il faut désormais identifier les acteurs et les arguments qui pourront convaincre le Cambodge que le jugement des khmers rouges n’a pas de rapport avec la question de la peine de mort : le Cambodge est un pays abolitionniste et on ne voit pas en quoi les conflits qui peuvent exister au sujet de la justice pénale internationale pourraient conduire à différer la ratification du Protocole 2.

À l’instar du Libéria, qui a aboli la peine de mort par la ratification du Protocole 2, ne serait-il pas souhaitable de concentrer les efforts diplomatiques sur la signature du Protocole 2 plutôt que sur le moratoire ?

D’abord, il y a des pays où l’on voit mal pourquoi on demanderait un moratoire alors qu’ils sont abolitionnistes de facto. C’est le cas notamment de beaucoup de pays africains dont les codes pénaux, inspirés des anciennes puissances coloniales, prévoient la peine de mort, mais qui ne l’appliquent pas. Le Protocole 2 est parfaitement adapté à leur situation. S’ils n’envisagent pas de rétablir la peine de mort dans les faits, pourquoi ne pas leur demander de prendre l’engagement international de le faire ? Pour les abolitionnistes que nous sommes, c’est évidemment très précieux. L’abolition de facto est une situation qui peut en effet se révéler extrêmement dangereuse pour les condamnés à mort des pays concernés, qui restent dans les couloirs de la mort, et qui peuvent du jour au lendemain voir leur situation changer radicalement.

En quoi la ratification du Protocole 2 est elle importante pour les pays qui ont déjà aboli ?

La situation est similaire. Pourquoi souhaite-t-on que le Protocole 2 soit ratifié ? Parce qu’il est essentiel d’avoir un verrou international. Il est très facile de rétablir la peine de mort. Ce qu’une loi fait, une autre loi peu le défaire et on sait qu’à la faveur d’une crise, la peine de mort peut être rétablie. Il faut donc convaincre les parlementaires des pays abolitionnistes de la nécessité, malgré l’abolition en droit interne, de prendre des engagements internationaux à ce propos, les seuls qui soient irréversibles.

La France vient précisément de réviser sa Constitution pour permettre la ratification du Protocole 2. Quelle importance donnez-vous à cette décision ?

La voie choisie par la France est plus forte encore car au-delà même de la possibilité de ratifier le protocole 2, l’affirmation en droit constitutionnel du droit à la vie et de la prohibition de la peine de mort est en soi très importante et a une valeur exemplaire. Il faut désormais que la France continue à montrer l’exemple en ratifiant le Protocole 2.

1. Ndlr : La réserve n’est possible que si elle est prévue par des dispositions du droit interne et doit être formulée au moment de la ratification ou de l’adhésion.

2. Ndlr : Le protocole n° 6 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales interdit le recours à la peine de mort « en temps de paix ». Le Protocole n° 13 de 2002 prévoit en revanche l’abolition de la peine de mort « en toutes circonstances ».

3.Bien qu’abolitionniste depuis 1989, le Cambodge n’a pas signé le Protocole 2. Il fait partie des pays ciblés pour la campagne de ratification de la Coalition mondiale.

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