Italiens et Congolais à l’assaut de la peine de mort

Plaidoyer

le 16 juin 2009

L’association italienne Ne Touchez pas à Caïn est intervenue du 11 au 14 juin à Kinshasa pour sensibiliser la classe politique et les journalistes de République démocratique du Congo à l’abolition de la peine de mort.
Lors d’une journée de débats organisée au Palais du Peuple, les parlementaires congolais ont assuré que leur pays s’acheminait vers l’abolition et qu’un moratoire sur les exécutions serait maintenu jusqu’à ce que la peine de mort soit définitivement bannie.
Emma Bonino, vice-présidente du sénat italien et ancienne commissaire européenne, a exhorté les Congolais à utiliser une "nouvelle méthodologie" incluant aussi bien le parlement et le gouvernement que la société civile pour "évoluer d’un moratoire de fait vers un moratoire légal, puis vers l’abolition".
La République démocratique du Congo observe un moratoire sur les exécutions, le président Joseph Kabila laissant systématiquement les demandes de grâce des condamnés en suspens, ce qui empêche leur exécution.
Les interprétations divergent quant à la constitution congolaise promulguée en 2006, qui consacre le "droit à la vie" mais n’abolit pas formellement la peine de mort.
"Notre pays, à notre avis, s’inscrit dans la mouvance abolitionniste", a affirmé Upio Kakura Wapol, ministre des Droits humains, lors de la conférence organisée par Ne Touchez pas à Caïn. Il a cité la constitution ainsi que la législation récente sur les violences sexuelles qui ne prévoit plus la peine de mort pour ces crimes.

"Abolition responsable"

Cependant, le ministre de la Justice, Luzolo Bambi, a prévenu qu’une "abolition responsable" ne pourrait intervenir que lorsque les prisons du pays, "dans un état de délabrement avancé", seraient capables d’offrir des peines alternatives. Regardez ses arguments en vidéo ci-dessous.

Liévin Ngondi, militant abolitionniste congolais de longue date et membre fondateur de la Coalition mondiale, représentait cette dernière ainsi que la Coalition congolaise et la Coalition des Grands Lacs lors de l’événement. Réagissant aux propos du ministre de la justice, il l’a appelé à aller plus loin : "Le ministre se réfère à une position exprimée dans une lettre au Secrétaire général de l’ONU de 1999. Depuis, le ministère de la justice a suspendu ce moratoire en 2002 et on a tué des gens jusqu’en 2003 ! Il n’y a pas d’abolition responsable, il n’y a que l’abolition."
Des parlementaires abolitionnistes des deux pays ont ensuite pris la parole (regardez des extraits de leurs interventions ci-dessous).
La députée radicale italienne Elisabetta Zamparutti, trésorière de Ne Touchez pas à Caïn, a expliqué la double démarche de son association, qui cherche à convaincre à la fois les dirigeants et l’opinion publique, à travers les médias.
Elle a estimé que la situation était "mûre" pour un effort décisif en faveur de l’abolition, du fait du ralentissement du rythme des exécutions en Afrique en général et en RDC en particulier depuis plusieurs années.

Le député congolais Nyabirungu Mwene Songa et le sénateur Léonard She Okitundu, auteurs de propositions de lois portant abolition de la peine de mort, ont pris la balle au bond. Le Pr Nyabirungu, enseignant en droit, a recommandé "l’accélération du mouvement" vers l’abolition tout en prenant en compte l’opinion publique. A ce titre, il a rappelé que la peine de mort concerne tout le monde : "Même un citoyen honnête peut être victime d’une erreur judiciaire."
M. Okitundu a quant à lui affirmé que "la constitution et abolitionniste" et qu’il suffit de rendre la loi conforme à ce texte fondamental. Dans l’immédiat, il a demandé au gouvernement de formaliser le moratoire sur les exécutions et d’apporter son soutien aux prochaines résolutions de l’ONU sur ce sujet.

Trois jours de formation pour 40 journalistes

Lors des trois jours qui ont suivi la conférence parlementaire, Ne Touchez pas à Caïn et l’Union nationale de la presse congolaise ont organisé un atelier sur le thème de l’abolition accueillant une quarantaine de journalistes congolais. Le gouvernement italien a financé cette action, qui bénéficiait également du soutien de la télévision publique italienne RAI.
Le photographe et publicitaire italien Oliviero Toscani, célèbre pour ses campagnes controversées pour la marque Benetton dont la série "We, on death row" sur les condamnés à mort américains, a partagé avec eux son expérience du militantisme abolitionniste dans les médias.
Des formateurs en communication sont également intervenus auprès des journalistes, décortiquant pour eux les mécanismes mentaux qui conduisent à la prise en compte de certaines valeurs comme la valorisation du droit à la vie. Ils leur ont ensuite apporté les outils techniques (vocabulaire, méthodes de rédaction) pour favoriser l’émergence de ces attitudes parmi leurs publics.

Les participants se sont montrés réceptifs au message abolitionniste : "Dès demain, on en parlera sur les plateaux des télévisions kinoises !", a assuré l’un d’entre eux. Les journalistes amenés à suivre régulièrement le problème de la peine de mort, notamment les chroniqueurs judiciaires, ont convenu de créer un réseau pour suivre collectivement les progrès de l’abolition et échanger sur le sujet.
Ils ont toutefois insisté sur le besoin de moyens supplémentaires pour la création d’une campagne de communication abolitionniste coordonnée telle que la suggère Ne Touchez pas à Caïn. "La réalisation de slogans, de supports, de spots suppose un partenariat plus avancé avec nos entreprises de presse", ont déclaré plusieurs participants.[/fr][en]The Italian NGO, Hands Off Cain, travelled to Kinshasa between June 11-14 to raise awareness about the abolition of the death penalty among the Democratic Republic of Congo’s politicians and journalists.
A full day of debates at the house of parliament gave Congolese representatives an opportunity to reaffirm that their country was on the road to abolition and that a moratorium on executions would remain in place until the death penalty is finally repealed.
The Italian senate’s vice-president and former EU Commissioner Emma Bonino called on the Congolese to adopt a “new method” bringing together the parliament, the government and civil society to “move from a de facto moratorium towards a legal moratorium and then to abolition”.
The Democratic Republic of Congo has been observing a moratorium on executions as president Joseph Kabila systematically leaves pardon requests from death row inmates unanswered, which prevents their execution.
Conflicting interpretations of the 2006 constitution have emerged as the text enshrines the “right to life” but does not formally abolish the death penalty.
“In our opinion, our country is part of the abolitionist movement”, said human rights minister Upio Kakura Wapol during the conference organized by Hands Off Cain. He cited the constitution and recent legislation on sexual violence, which removed the death penalty for such crimes.

“Responsible abolition”

However, justice minister Luzolo Bambi warned that “responsible abolition” could only happen once the country’s prisons, which are in an “advanced state of disrepair”, are fit to offer alternative punishment. Watch his arguments in the video below.

Liévin Ngondji, a long-time Congolese abolitionist and founding member of the World Coalition, also represented the Congolese and Great Lakes regional coalitions. In his reaction to the justice minister’s speech, he encouraged him to go further: “The minister is referring to the position expressed in a letter to the UN secretary general in 1999. Since then, the ministry of justice suspended the moratorium in 2002 and people were killed as late as 2003! There is no such thing as responsible abolition, there is only abolition”, Ngondji said.
The ministers were followed by abolitionist parliamentarians from both countries (watch extracts from their speeches below).
Radical Party MP and Hands Off Cain treasurer Elisabetta Zamparutti detailed her organization’s twin aims – to convince both political leaders and public opinion, through the media. She deemed the situation “ripe” for a decisive push in favour of abolition, because of the decreasing number of executions in Africa in general, and in DRC in particular, in recent years.

Congolese MP Nyabirungu Mwene Songa and Senator Léonard She Okitundu, who have put forward bills to abolish the death penalty, agreed. Prof Nyabirungu, also a law lecturer, recommended an “accelerated movement” towards abolition while taking into account public opinion. In that respect, he added that everyone should feel concerned when it comes to the death penalty: “Even law-abiding citizens can be the victims of a miscarriage of justice”, he said.
M. Okitundu said that “the constitution is abolitionist” and that all that was left to do was to bring penal law in line with it. In the short term, he asked the government to formalize the moratorium on executions legally and to support upcoming UN resolutions on that issue.

Three days of training for 40 journalists

Following the parliamentary conference, Hands Off Cain and the National Union of Congolese Media organized a three-day workshop on abolition for around 40 Congolese journalists. The Italian government funded the seminar with support from Italy’s state television RAI.
Oliviero Toscani, an Italian photographer and advertiser famous for his Benetton ad campaigns including the “We, on death row” series on US death row inmates, shared his experience of abolitionist media activism with the participants.
Communication trainers also stepped in to help journalists understand the mental processes that lead people to value certain concepts such as the right to life. They then introduced them to techniques that favour the emergence of such attitudes among the public, including writing methods and keywords.

The participants welcomed the abolitionist message: “As soon as tomorrow, you will hear about it on Kinshasa’s airwaves!”, one of them said. Those journalists who cover death penalty issues on a regular basis, especially court reporters, decided to form a network to monitor the progress of abolition collectively and exchange information on this question.
However, they insisted that they would need additional resources to put together a formal abolitionist campaign as suggested by Hands Off Cain. “Writing slogans and creating materials would need a more developed partnership with our publishers”, several participants said.[/en]
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