Interview : le Pakistan en route vers un moratoire ?

Abolition

le 25 juillet 2008

Certains observateurs pensent que la mesure sera votée, d’autres en doutent. Le juriste et défenseur des droits de l’homme pakistanais Kamran Arif explique à Worldcoalition.org pourquoi il croit qu’un moratoire sera bientôt instauré.

Quelles sont les dernières nouvelles concernant l’intention du gouvernement pakistanais de commuer toutes les condamnations à mort ?

La proposition a été approuvée par le Cabinet mais la Cour suprême a émis une réserve à l’intention du gouvernement quant à la constitutionnalité de cette mesure. Du point de vue technique, elle est donc en attente jusqu’à la fin de la vacance de la Cour en septembre. Pour le moment, les personnes concernées sont toujours détenues dans les couloirs de la mort et risquent d’être exécutées.

Pourquoi le gouvernement a-t-il pris cette décision ?

Le fondateur du parti au pouvoir, le Parti du peuple pakistanais (PPP), Zulfikar Ali Bhutto, a été pendu en 1979. Le gouvernement sait parfaitement comment fonctionne le système judiciaire. Sous le premier gouvernement de Benazir Bhutto, toutes les condamnations à mort avaient été commuées, et aucune exécution n’avait eu lieu.
Benazir Bhutto voulait supprimer la peine de mort, et le PPP le souhaite aussi. Je pense que le parti s’est depuis longtemps engagé en faveur de l’abolition mais qu’il ne va pas mener cette campagne tout de suite.

Quels sont les obstacles à l’abolition de la peine de mort au Pakistan ?

L’opinion publique est favorable à la peine capitale. L’argument est d’ordre religieux : dans ce domaine, la loi religieuse entre en conflit avec la loi du gouvernement, même si les musulmans admettent que les meurtriers peuvent obtenir le pardon des familles des victimes.
Le PPP n’a pas encore pris publiquement parti contre la peine de mort mais s’il était soumis à une pression plus importante, et si l’opinion publique se retournait, il serait encouragé à le faire.

Que peuvent faire les militants anti-peine de mort pour soutenir l’initiative du gouvernement ?

Il faudrait qu’ils soutiennent le gouvernement tout en insistant davantage pour qu’il tienne ses engagements. Nous mènerons aussi toutes les batailles juridiques qui permettront de faire évoluer le droit. La Commission des droits de l’homme du Pakistan envisage d’intervenir dans la procédure devant la Cour suprême, et nous essayons de savoir quand la Cour entendra le gouvernement sur l’ordonnance de commutation des peines.

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