Les militants Indonésiens face à une montée de la peine de mort

Asie

le 10 février 2009

L’année 2008 a été désastreuse pour les adversaires de la peine de mort en Indonésie. Au moins 10 personnes ont été exécutées, soit presque autant qu’au cours de la décennie précédente, et la Cour constitutionnelle a refusé de remettre en cause de la méthode d’exécution. Malgré ces difficultés, un groupe d’abolitionnistes indonésiens engagés continue à faire campagne.
Certaines exécutions récentes ont provoqué des protestations importantes en Indonésie. Des manifestations et des polémiques médiatiques ont précédé l’exécution de trois des auteurs des attentats de Bali, et celles de trois Catholiques liées au conflit à Poso. Toutefois, les protestations étaient plus liées au contexte de ces affaires qu’à un rejet de la peine de mort.
Un mouvement abolitionniste modeste mais solide cherche à obtenir la fin de la peine de mort en Indonésie. Il repose sur des ONG, des dirigeants religieux et certains universitaires.
« Nous espérions qu’après le mouvement de réforme de 1998 il serait facile de se défaire de la peine de mort », expliquait récemment Rusdi Marpaung, directeur d’Imparsial et membre de la Coalition pour l’abolition de la peine de mort. « Mais il se trouve que ce n’est pas le cas. Le Code pénal laissé par les Néerlandais est resté en place. »

Des procédures judiciaires en échec

Après deux échecs devant la Cour constitutionnelle, le mouvement abolitionniste voit ses possibilités d’action juridique se réduire.
En 2008, la Cour a unanimement maintenu la constitutionnalité de l’exécution par fusillade. Les avocats des terroristes de Bali avaient avancé que cette méthode ne garantit pas une mort immédiate et s’apparente donc à une torture. En les déboutant, la Cour a soutenu l’argument du gouvernement selon lequel la douleur causée par l’exécution n’est qu’un effet secondaire de la mise à mort légale du prisonnier.
En 2007, la Cour constitutionnelle a débouté trois Australiens et deux Indonésiens condamnés à mort pour trafic de drogue qui contestaient l’application de la peine capitale dans les affaires de stupéfiants.
La Cour a constaté que la constitution indonésienne garantit le droit à la vie, mais restreint les droits de l’individu afin de protéger ceux d’autrui. Elle a conclu que cette restriction s’appliquait aux crimes liés à la drogue.
Trois des neufs juges ont exprimé une opinion contraire concernant la constitutionnalité de la peine de mort, mais un seul d’entre eux est toujours membre de la Cour constitutionnelle aujourd’hui.

Révision du Code pénal

Les militants pourraient intervenir pour l’abolition de la peine de mort à l’occasion de la révision en cours du Code pénal. Cependant, les chances de succès sont minces
Deux membres de l’équipe chargée de rédiger la nouvelle législation ont affirmé à la Cour constitutionnelle qu’ils maintiendraient la peine de mort pour les crimes qu’elle sanctionne actuellement.
Les rédacteurs ont affirmé qu’ils introduiraient un changement : la possibilité pour les juges de prononcer une condamnation à mort assortie d’une période de probation de 10 ans, à l’issue de laquelle la peine serait exécutée ou commuée selon la conduite du prisonnier. Ces propositions doivent encore être examinés par le parlement.

Soutien pour la peine de mort

La peine de mort semble bénéficier d’un soutien largement partagé en Indonésie, tant dans les rangs du gouvernement que dans l’opinion publique. Les sondages publiés dans les médias font généralement état de 75 % d’opinion favorables à la peine capitale.
Le gouvernement indonésien a affirmé à plusieurs reprises un ferme attachement à ce châtiment. Dans sa déposition devant la Cour constitutionnelle à l’occasion du débat sur le trafic de drogue, il a estimé qu’en raison de la faiblesse des institutions judiciaires du pays, l’abolition de la peine de mort risquait d’aggraver la criminalité en envoyant un message négatif aux trafiquants de drogue.
Ironie de l’histoire, les opposants à la peine de mort citent les mêmes réalités pour justifier son abolition. Devant la Cour constitutionnelle, ils ont affirmé que le maintien de la peine de mort dans un système judiciaire indonésien si faible fait courir le risque de condamner à tort et d’exécuter des innocents.
Pendant ce temps, les tribunaux continuent à prononcer des condamnations à mort à un rythme accru : au moins 14 en 2008. L’Indonésie se retrouve ainsi avec un nombre de condamnés presque deux fois supérieur au nombre d’exécutions des 30 dernières années. Le pays va donc devoir procéder à des exécutions de plus en plus nombreuses ou commuer tout ou partie des condamnations.

Dave McRae (dgmcrae gmail.com)


Pour en savoir plus sur la peine de mort en Indonésie, cliquez ici pour lire l’article d’origine (en anglais) sur le site d’Inside Indonesia

Plus d'articles