Discussion sur les violations des droits de l’homme liées à l’utilisation de la peine de mort au Conseil des droits de l’homme

Publié par Jessica Corredor, le 7 mars 2017

« La peine capitale soulève de sérieuses questions concernant la dignité et les droits de tous les êtres humains, y compris le droit à la vie, mais aussi le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. » C’est avec ce message que le Haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, a introduit son discours d’ouverture prononcé lors du panel de haut niveau sur la peine de mort à la 34e session du Conseil des droits de l’homme.

L’abolition de la peine de mort est une question de principe, pas une question de culture

Les intervenants ont partagé leurs expériences concernant les mesures prises dans leurs pays pour abolir la peine de mort et les difficultés rencontrées. Harlem Désir, secrétaire d’Etat français, a réaffirmé l’engagement de son pays pour l’abolition universelle de la peine de mort, non sans avoir d’abord déclaré que  la peine de mort était « une question de principe et non pas une question de culture ».

 L’ancien président de la Tunisie, Moncef Marzouki, a parlé de l’espoir qu’il avait à son arrivée au pouvoir en 2011, à savoir que « la Tunisie [soit] le premier pays arabe à abolir la peine de mort ». Il a commué les condamnations à mort des 200 personnes qui étaient dans le couloir de la mort. Mais « tristement », a-t-il dit, « il [fut] impossible de franchir cette étape importante pour devenir membre du club des abolitionnistes ». Parmi les obstacles à l’abolition en Tunisie, il a mentionné le contexte difficile qui a suivi le ‘Printemps arabe’, mais aussi l’opinion publique et la culture.

Les panélistes d’Afrique et d’Asie prennent position contre la peine de mort

Kagwiria Mbogori, présidente de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, a fait part de son inquiétude concernant la durée prolongée du maintien des prisonniers dans le couloir de la mort, tout en soulignant que le Kenya avait pris des mesures concernant la peine capitale. Récemment, le Président Kenyatta a commué les condamnations à mort de 2747 prisonniers afin de « désencombrer » les couloirs de la mort. Toutefois, en dépit du moratoire de facto établi depuis 1987 et de la commutation des peines, « les tribunaux continuent de condamner à mort parce qu’il n’existe aucune peine alternative pour punir certains crimes », a déclaré Mme Mbogori.

Seree Nonthasoot, représentant de la Thaïlande auprès de la Commission intergouvernementale des droits de l’homme de l’ASEAN, a pour sa part souligné « la tendance de plus en plus préoccupante à réintroduire la peine de mort par les juridictions qui l’ont abolie ». Insistant sur l’obligation qu’ont les Etats de tenir leur engagement, il a rappelé les obligations juridiques impliquées par la signature d’une convention telle que le Protocole facultatif au PIDCP, faisant clairement écho à la situation aux Philippines.

Les pays rétentionnistes défendent la souveraineté nationale

Des représentants de pays de rétentionnistes ont également pris la parole. Alors que le représentant du Botswana a insisté sur la peine de mort en tant que question de justice pénale et sur le droit souverain des États à l’appliquer, le représentant de Singapour a lu une déclaration signée par 27 autres pays insistant sur l’argument de la dissuasion et sur « l’absence de consensus international pour ou contre le peine de mort lorsqu’elle est imposée conformément à la loi ».

Les voix de la société civile

La Coalition mondiale, représentée par la FIACAT, a lu une déclaration conjointe déclarant que « l’imposition de la peine de mort en elle-même, et indépendamment des circonstances qui l’entourent et des conditions de son application, contrevient à la prohibition de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Quant à Amnesty International, le représentant de l’organisation a déclaré que « le recours à la torture est répandu malgré l’interdiction manifeste de ces pratiques en droit international ». Enfin, les Quakers ont souligné que dans certaines situations, l’impact sur l’enfant d’un parent condamné à mort peut être considéré comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant ou une torture.

Du moratoire à l’abolition : évènement parallèle d’ECPM

Au cours du Conseil des droits de l’homme, ECPM a organisé un évènement parallèle pour lancer les actes et le film du 6ème Congrès mondial contre la peine de mort. L’événement a également été l’occasion d’annoncer les prochains congrès régional et mondial. Lievin Ngondji, directeur de CPJ, a parlé du temps présent comme étant « le moment pour l’Afrique de devenir le prochain continent abolitionniste et de servir d’exemple pour de nombreuses autres parties du monde ». ECPM a donc annoncé la tenue en Afrique du prochain Congrès régional contre la peine de mort en 2018 en prévision du 7ème Congrès mondial contre la peine de mort qui se tiendra à Bruxelles en février 2019.

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