Entre espoir et désillusion : la réforme de la peine de mort iranienne

Publié par Thalia Gerzso, le 13 septembre 2017

Avec plus de 567 exécutions en 2016, l’Iran est un pays leader en matière d’exécution. Dans ce pays où la plupart des condamnations à mort sont prononcées pour des infractions liées à la drogue, le projet de loi apparaissait comme un remède pouvant mettre un terme à ces terribles statistiques.

Une baisse potentielle du nombre d’exécutions

Le projet d’amendement avait été déposé en décembre 2015 par quelques parlementaires iraniens. Ce projet avait comme finalité la suppression de la peine de mort pour 16 des 17 infractions liées à la drogue. Satisfait de cette proposition pouvant faire baisser le taux d’exécutions de 80%, Amnesty avait appelé le gouvernement iranien à ne pas laisser passer cette opportunité pouvant mettre fin aux exécutions. Sous l’empire de l’ancienne loi, la peine de mort était systématiquement prononcée pour les infractions liées au trafic de drogue, mais pas seulement. Le simple fait de détenir plus de 30 grammes de drogues dites « synthétiques » était suffisant pour être condamné et envoyé à l’échafaud. Ainsi, même si la peine de mort pouvait toujours être prononcée à l’encontre des cartels de drogue et de ceux utilisant des enfants dans le trafic de stupéfiants, la version originale de l’amendement remplaçait la peine capitale par une peine de 30 ans d’emprisonnement.

Pour Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division Afrique du Nord et Moyen-Orient à Human Rights Watch, cette première version de l’amendement aurait pu sauver des centaines de prisonniers qui n’auraient jamais dû se retrouver dans le couloir de la mort. L’arrêt des exécutions depuis le début du Ramadan dans les prisons de Ghezelhesar et Karaj avait fait naitre de grands espoirs au sein de la communauté internationale. Malheureusement, l’exécution de 39 prisonniers condamnés pour des infractions liées à la drogue a très vite mis fin aux attentes des observateurs internationaux. Les abolitionistes ont alors exhorté le gouvernement iranien à suspendre la mise à mort des prisonniers condamnés pour trafic et possession de stupéfiants jusqu’à ce que le parlement vote l’amendement final.

«Un morceau de législation profondément décevant »

Alors même que les autorités iraniennes reconnaissent l’absence de tout effet dissuasif concernant la peine de mort et le trafic de stupéfiants, l’amendement voté en août n’a pas substantiellement modifié le texte original. En effet, en réduisant la portée de cet amendement, le législateur iranien a fait fi de son but premier. « Au lieu d’abolir la peine de mort pour toutes infractions liées à la drogue, les autorités iraniennes s’apprêtent à adopter un morceau de législation profondément décevant » a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

Malgré le remplacement de la peine de mort par une peine d’emprisonnement de 30 ans pour les infractions liées à la drogue, le parlement, sous la pression du pouvoir judiciaire et du Service du contrôle des drogues, a finalement maintenu la peine capitale pour les crimes non violents de « production, distribution, trafic et vente de drogues. » En juillet 2017, une commission parlementaire a même restauré la peine de mort pour « possession, achat et dissimulation » de drogues « traditionnelles » de plus de 50 kg.  Dans un déclaration conjointe, Amnesty International et Roya Boroumand, Directrice exécutive de la fondation Abdorrahman Boroumand, ont souligné que « le choix entre la vie et la mort ne devrait pas se fonder sur des calculs mathématiques prenant en compte la quantité de drogue saisie sur un individu ».

Alors que la Coalition mondiale contre la peine de mort s’apprête à lancer la 15ème Journée mondiale contre la peine de mort, avec comme thématique "pauvreté et peine de mort", la fondation Abdorrahman Boroumand a rappelé que la plupart des condamnés à mort viennent de milieux pauvres et vulnérables. Du fait des nombreuses procédures arbitraires, de violations des droits des individus mis en examen, mais aussi de l’utilisation de la torture, la situation est encore plus précaire selon Human Rights Watch.  Déçus par cet amendement, Amnesty International et la fondation Abdorrahman Boroumand ont appelé la communauté internationale à « exhorter la République d’Iran à modifier la loi et abolir la peine de mort pour toutes infractions liées à la drogue. Les autorités iraniennes se doivent d’adopter un système judiciaire mettant l’accent sur la réhabilitation et un traitement humain des prisonniers.»

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