Les pays de l’ASEAN reculent sur le chemin vers l’abolition

Journée mondiale

Publié par Tiziana Trotta, le 27 octobre 2016

Le dernier rapport de la FIDH sur l’application de la peine de mort en Asie du Sud-Est, publié ce mois-ci, fait observer que la région a connu des revers importants en ce qui concerne l’abolition de ce châtiment. Selon le document, depuis octobre 2015, la Malaisie, l’Indonésie et Singapour ont procédé à des exécutions, alors que le Vietnam continue de classer les statistiques sur la peine de mort comme des secrets d’État.

Tous les pays rétentionnistes de l’Asie du Sud-Est appliquent la peine de mort aux crimes liés au terrorisme, thème de la 14e Journée mondiale contre la peine de mort célébrée cette année. "L’application de ces lois est soumise à des abus et à l’application arbitraire parce que les gouvernements définissent ce crime en des termes très généraux et vagues. En outre, de nombreux actes présumés violents de terrorisme ne respectent pas le seuil des crimes les plus graves”, indique le rapport. Florence Bellivier, Vice-Secrétaire général de la FIDH, estime que le prétexte d’utiliser la peine de mort pour mener une guerre contre la drogue et le terrorisme est “simplement une solution rapide pour les gouvernements qui sont désireux de montrer qu’ils sont durs sur la criminalité. La réalité est que la peine de mort n’a pas d’effet dissuasif sur la commission de crimes, en particulier ceux qui sont liés à la drogue ou aux actes présumés de terrorisme".

Dans un article publié par le Bangkok Post à l’occasion de la 14e Journée mondiale, Seree Nonthasoot, le représentant de la Thaïlande auprès de la Commission intergouvernementale de l’ASEAN sur les droits de l’homme (AICHR), a déclaré que “la vision de la région centrée sur le peuple et orientée envers les gens doit être soutenue par un chemin vers l’abolition de la peine de mort”.

Des milliers de personnes dans la région sont encore victimes d’exécutions sommaires et extrajudiciaires pour avoir été impliquées dans des crimes de drogue, mais pour lutter contre la criminalité, il est nécessaire de trouver des moyens de la réduire et la peine capitale ne fonctionne pas comme un moyen de dissuasion, dit-il. “Il est temps pour nous tous de se lever pour demander un système de justice qui punit les délinquants d’une manière juste et appropriée”.

La Thaïlande n’a exécuté personne depuis sept ans, mais il y a encore des prisonniers condamnés à mort. Environ la moitié d’entre eux sont reconnus coupables de crimes liés à la drogue. Selon Seree Nonthasoot, le Plan d’action national des droits de l’homme de la Thaïlande (2014-2018), qui contient un plan visant à abolir la peine de mort, est une mesure prometteuse. "Mais il reste beaucoup à faire”, a-t-il soutenu. Seree Nonthasoot se félicite aussi pour la récente création de la Coalition sur l’abolition de la peine de mort dans l’Asean (CADPA) pour lutter contre la peine de mort.

Le groupe Malaisiens contre la peine de mort et la torture (MADPET) espère "qu’il n’y aura plus de peine de mort en Malaisie au moment de la prochaine Journée mondiale” et a appelé dans un communiqué aux autorités à imposer un moratoire sur toutes les exécutions. Bien que le pays soit sur le point d’abolir la peine de mort, aucun progrès vers une réforme significative ou la mise en place d’un moratoire n’a été fait et en 2016 quatre personnes ont été exécutées. Jusqu’au 16 mai 2016, il y avait 1.041 détenus condamnés à mort. 

Brunei Darussalam, la Birmanie et le Laos ont atteint, ou sont près d’atteindre, le statut de abolitionnistes de facto. Au Brunei Darussalam, il n’y a pas eu d’exécutions depuis 1957, mais les tribunaux ont continué à imposer la peine de mort. Actuellement, près de cinq personnes seraient condamnées à mort, selon la FIDH. La même situation apparaît au Laos, où personne n’a été exécuté depuis 1989. La Birmanie a fait des petits progrès dans l’abrogation de la législation qui prévoit la peine de mort et au cours des 12 derniers mois, un cas d’un tribunal  ayant imposé la peine de mort a été rapporté. Ce pays n’a exécuté personne depuis 1988, mais refuse d’établir un moratoire.

L’Indonésie a marqué un grand pas en arrière sur son chemin vers l’abolition, a déclaré la FIDH. Le pays continue à procéder à des exécutions et au cours de l’année dernière d’autres crimes ont été ajoutés à la liste des ceux passibles de peine de mort. Au 4 octobre 2016, il y avait 179 condamnés à mort, dit le rapport.

Seulement le Cambodge et les Philippines ont aboli la peine capitale, même si ce dernier pays, qui a aboli la peine de mort pour tous les crimes en 2006, envisage de la rétablir dans le cadre de sa guerre contre la drogue.

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